Claire Kane est cool et choc. Styliste stylée, elle imprime dans tous les sens du terme son empreinte dans le paysage de la mode au Sénégal. C’est un personnage original et ses vêtements sont à la hauteur de ses ambitions africaines, voire, universelles.
Des formes souples pour une tenue irréprochable, car la finition est impeccable. Des pagnes tissés réhaussés de colliers de perles anciennes présentés dans la plus grande sobriété mais avec la plus grande finesse pour évoquer l’éveil. Tel est le reflet de la mode que Claire Kane impose aujourd’hui au Sénégal. Le visuel et l’esthétique sont autant présents dans les vêtements que dans la mise en scène de leur présentation. La création pour ce personnage atypique procède autant de l’imagination que de la réflexion. Les vêtements qu’elle dessine sont le support d’un vrai message, d’une philosophie, presque.
Claire Kane est une exploratrice. Exploratrice du temps, des cultures et de l’espace. Amoureuse de l’Afrique, elle sillonne le continent après l’obtention de son bac et finit par s’installer au Sénégal où elle vit depuis vingt-deux ans. Quand elle lance sa première collection, il y a onze ans, elle n’est pas considérée, les gens préférant aller s’habiller en Europe, indifférents à la mode africaine. Mais Claire, en même temps qu’elle impose un style, se fait un nom. Elle fait des « vêtements métissés », expression d’une rencontre entre deux cultures. Pour celle qui se définit comme un « désigner textile », le vêtement est un langage en soi, un support de la communication. Et ça se voit. Ce qui caractérise son travail, c’est la sérigraphie. C’est elle qui la première, a utilisé cette technique nouvelle. Le fil brut, après être passé dans les mains des teinturières sénégalaises, est tissé puis sérigraphié suivant un thème. Dans ses précédentes collections, Claire Kane a évoqué la politique européenne de l’immigration en imprimant des visas par exemple, rendu hommage à Miles Davis, ou mis en avant les nouvelles technologies de communication (symbolisées par le a imprimé sur les créations). Sa dernière collection, marquée par la couleur grise, est très simple, très dépouillée, très monacale. Elle s’inspire de la thématique tibétaine de l’éveil au sens de la vie. Et l’unisexe est à l’honneur. Claire trouve que les femmes sont belles avec des vêtements d’homme. Elle pense aussi que les hommes ont trop été enfermés dans un carcan de vêtements « hypervirils ». Au 21e siècle, il faudra que l’homme ait plus de liberté et de fantaisie dans ses choix, et que l’égalité entre les sexes soit également vestimentaire à travers les manteaux, les pantalons et les filets, même s’il y aura toujours des robes pour les femmes. Et… les hommes pourront se parer des mêmes bijoux que les femmes, pourquoi pas ? C’est le cas de son dernier défilé où tous les mannequins portaient des colliers créés par Marie-José Crespin. Claire dit de son amie qu’elle a la science des perles, qu’elle va chercher aux quatre coins du monde pour les assembler avec un talent fou. Claire aime le savoir-faire particulier que lui offre Marie-José Crespin. Elle apprécie aussi celui des tisserands mandiack de la Guinée-Bissau auxquels elle fait appel pour travailler sa matière première, le coton sénégalais. De bout en bout, elle maîtrise la chaîne de production qui est locale. Jusqu’à sa boutique sise 90, rue Mousse Diop à Dakar.
S a démarche dans la création est très intellectuelle, mais elle est aussi intelligente au point de vue économique. La créatrice veut être compétitive et considère qu’il est temps que la mode africaine s’impose sur la scène internationale. C’est bien parti avec la mode sénégalaise, boostée par Claire Kane qui est reconnue par ses pairs et qui a été sollicitée pour le décor du Sommet franco-arabe qui s’est tenu à Dakar en mai dernier.
Frédérique Lemon