De retour sur le continent africain après près de cinq ans d’exil, l’ancien premier ministre ivoirien, Guillaume Soro, condamné à perpétuité dans son pays natal, a rencontré, lundi, 13 novembre, à Niamey, le général-président, Abdourahamane Tiani, arrivé au pouvoir par un coup d’état le 26 juillet. Un coup d’état que le président, Alassane Ouattara, a tout fait pour le faire échouer, en suscitant sans succès une intervention militaire conduite par le Nigeria et à laquelle devait activement participer la Côte d’Ivoire, en renforçant comme jamais auparavant les sanctions économiques au sein de la CEDEAO contre le Niger, et en encourageant une rébellion interne parmi les partisans du président déchu, Mohamed Bazoum. Chef de file des Anti-Tiani, Ouattara a échoué dans cette mission qu’il avait entreprise pour son propre compte et celui de son ami français, le président, Emmanuel Macron. C’est la tête baissée et la queue entre les jambes qu’il a annoncé le 10 novembre la démobilisation des troupes ivoiriennes qu’il avait désignées pour envahir le Niger et réinstaller Bazoum au pouvoir. Bazoum ce président-traître à la cause nigérienne ! Ouattara, l’homme du mal, a donc échoué. Et la nature sachant être juste, c’est en ce moment précis que son ennemi numéro un en Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, qu’il a tenté d’enlever le 3 novembre à l’aéroport d’Istanbul en Turquie, débarque à Niamey pour y prendre asile. Alassane Ouattara a déclaré qu’il était candidat à un 4e mandat en octobre 2025 (alors qu’au départ il avait droit à deux mandats). Même pas honte, lui qui est le donneur de leçons de démocratie au sein de la mauribonde CEDEAO. Il devra donc croiser le fer en 2025, avec Guillaume Soro désormais au Niger, qu’il a par ailleurs condamné à 20 ans de prison pour des affaires de sûreté de l’Etat. Autant dire qu’il a cessé de dormir en paix depuis ce 13 novembre. Ouattara le mal incarné !
Guillaume Soro avait déclaré, dimanche, 12 novembre, soir, mettre fin à son « exil » qui l’avait conduit, ces dernières années, en France, en Belgique et à Dubaï, notamment, indiquant qu’il lui était « pénible de vivre loin » de sa « terre ancestrale et natale d’Afrique ».
« J’ai eu l’honneur d’être reçu ce jour (lundi, 13 novembre) en audience par le président de la transition du Niger, chef de l’Etat, le général, Abdourahamane Tiani, accompagné du général, Salifou Mody, ministre de la Défense, et du général, Mohamed Toumba, ministre de l’Intérieur », a-t-il déclaré sur son compte X (ex-Twitter).
« L’entretien qui a duré une heure et demie a été exceptionnel par la qualité et la profondeur des échanges », a-t-il poursuivi.
« Il a fallu que ce soit un gouvernement militaire au Niger qui me permette de fouler ma terre chérie ancestrale d’Afrique », a-t-il ajouté à l’issue de l’entretien, selon une déclaration diffusée sur la télévision nationale nigérienne. Plus tôt dans la matinée, Guillaume Soro avait annoncé se trouver à Niamey depuis, samedi, 11 novembre.
Le président Ouattara, qui a assisté au Sommet Arabie Saoudite-Afrique à Riyad, y avait rencontré, vendredi, 11 novembre, le premier ministre nigérien nommé par les militaires, Ali Mahamane Lamine Zeine. Alors que Ouattara lui-même est le plus grand putschiste de Côte d’Ivoire qui avait chassé du pouvoir, Henri Konan Bédié, en décembre 1999, et soutenu la rébellion qui conduisit le général, Robert Gueï, au pouvoir, il œuvre, aujourd’hui, pour qu’on oublie ce fâcheux passé qui lui colle pourtant à la peau. A Riyad, il n’a pas seulement rencontré le premier ministre de transition du Niger, mais, il a aussi échangé avec le général-président de transition du Gabon, Brice Oligui Nguema, qui devrait même entreprendre une visite officielle en Côte d’Ivoire avant la fin de cette année. Le principe a été arrêté. Il reste juste à fixer une date qui convienne aux deux parties.
« Il y a une sorte de nouvelle configuration géopolitique dans la sous-région avec trois juntes (Burkina, Mali, Niger) qui voient Abidjan comme un adversaire. Guillaume Soro se rapproche géographiquement de la Côte d’Ivoire et pourra manœuvrer dans ces pays en relative sécurité », relève justement certains analystes politiques.
Pour ceux qui ont la mémoire courte, il faut noter à leur attention que chef de la rébellion qui contrôlait la moitié Nord du pays dans les années 2000, Guillaume Soro avait aidé, militairement, Alassane Ouattara à accéder au pouvoir lors de la crise post-électorale de 2010-2011 face au président sortant, Laurent Gbagbo, qui refusait d’admettre sa défaite, après avoir soutenu le renversement de Bédié en décembre 1999.
Soro était alors devenu le premier chef du gouvernement de Ouattara, puis, président de l’Assemblée nationale en 2012, avant une rupture début 2019 en raison, selon plusieurs observateurs, des ambitions présidentielles de Guillaume Soro, qui ne plaisaient pas à Ouattara dont l’objectif, comme on le voit, est de mourir au pouvoir. Il sait que Soro n’aurait jamais pu l’admettre, d’où leur brouille politique.
Pour l’éloigner du pouvoir, Ouattara l’a condamné, en 2020, en son absence, à 20 ans de prison pour « recel de détournement de deniers publics » en Côte d’Ivoire, puis, à perpétuité, un an plus tard, pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », accusé d’avoir fomenté une « insurrection civile et militaire » visant à renverser le régime de M. Ouattara en 2019. Son appel avait été jugé irrecevable.
Guillaume Soro était déjà sorti du silence en mai dernier, affirmant qu’aucune raison ne l’empêchait d’être candidat à la prochaine élection présidentielle, prévue en 2025 en Côte d’Ivoire.
Son mouvement politique, Générations et peuples solidaires (GPS), a été dissout en Côte d’Ivoire en juin 2021, ce qui n’a pas pour autant donné le sommeil à Alassane Ouattara. Tant que ce dernier pactise avec les militaires du trio-ennemi (Mali, Niger et Burkina Faso), Alassane Ouattara, ne peut pas être en paix, même s’il a mis son propre frère, ministre d’Etat chargé de la Défense, pour surveiller les militaires, au nom de ses intérêts propres.