Alors que le général-président, Abdourahamane Tiani, vient de célébrer son premier mois à la tête du Niger, les autorités françaises ne décolèrent toujours pas au sujet du renversement de leur protégé, le président, Mohamed Bazoum. Pour preuve, le Quai d’Orsay continue de revendiquer son retour au pouvoir en affirmant soutenir toute initiative menée par la CEDEAO, en particulier, l’intervention militaire évoquée depuis quelques semaines.
Si, malgré les divisions au sein de l’organisation ouest-africaine, et l’opposition au recours à la force par plusieurs pays voisins, tels que l’Algérie, le Tchad, ou la Mauritanie, cette mesure reste d’actualité, c’est bien à cause de l’immense pression que font subir la France, et plus discrètement, les Etats-Unis, auprès de Bola Tinubu et des autres dirigeants de la CEDEAO.
En effet, pour la France, l’idée d’une quelconque remise en question de sa mainmise sur l’accès aux ressources naturelles nigériennes dont l’uranium, élément essentiel de la production d’électricité dans l’Hexagone, exaspère, tandis que les Etats-Unis voient, quant à eux, d’un très mauvais oeil la perspective d’un éveil des Nigériens dans la bataille géopolitique que Washington livre à Pékin et à Moscou.
Dans sa recherche de soutien pour l’usage de la force au Niger, Paris a essuyé le refus de l’Union européenne, dont les ministres des Affaires étrangères se réunissaient jeudi, 31 août, à Toledo (Espagne). Un coup dur pour Emmanuel Macron, qui aurait préféré une résolution à l’européenne de manière à garantir la position de la France comme puissance dominatrice dans ce pays sahélien. Sans l’appui des autres capitales européennes, Paris est maintenant obligée de se tourner vers Washington, et de faire face à l’éventualité de la perte de son leadership au Niger.
Face à ce scénario particulièrement préjudiciable pour la France, Emmanuel Macron devrait plutôt faire preuve de pragmatisme, et laisser la transition nigérienne suivre son cours. Déjà bien amorcé, ce processus conduira inévitablement à une série de réformes dans les relations bilatérales du Niger avec ses partenaires internationaux, notamment, en matière d’exploitation minière, dont la réglementation sera certainement révisée, à l’instar de ce qui a été observé en RDCongo ou au Burundi. Ce qui est loin d’être la pire des choses pour les enjeux français puisqu’on voit mal comment Niamey pourrait tourner le dos aux marchés auxquels Paris lui a donné accès pour écouler ses ressources naturelles.
Si la France est aujourd’hui prise en tenaille entre le besoin d’affirmer sa crédibilité sur la scène internationale et la nécessité de se montrer pragmatique envers la junte au pouvoir, c’est parce qu’elle sous-estime l’ampleur des implications dans le long terme d’un déploiement armé au Niger. Elle devrait pourtant être capable de se projeter dans un horizon futur, au risque de tout perdre sans aucune perspective de retour en arrière.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)