NIGER : Pourquoi l’ancien président Mohamed Bazoum était du mauvais côté de l’histoire

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Lors de sa première prise de parole, le général, Abdourahamane Tchiani, a, longuement, parlé de l’échec de la lutte contre le terrorisme au Niger. Il a fait remarquer, entre autres, que “les résultats n’étaient pas à la hauteur des attentes des Nigériens”.

Le nouvel homme fort a, surtout, critiqué “l’incohérence et l’inefficacité de l’approche de Bazoum, la libération extra-judiciaire de plusieurs chefs terroristes, le recrutement de plusieurs centaines de militaires placés sous l’autorité des politiques, les propos de Bazoum selon lesquels les soldats nigériens seraient moins forts et moins aguerris que les terroristes, le refus de collaborer avec le Burkina et le Mali”.

Bazoum a tout le temps évité Assimi Goïta et Ibrahim Traoré. Il s’est toujours gardé de coopérer avec eux pour neutraliser les terroristes, qui déstabilisent le Burkina, le Mali et le Niger et tuent les populations de ces trois pays, parce qu’il ne voulait pas être mal perçu par Paris.

S’est-il réjoui quand les autorités de Bamako et de Ouagadougou ont été lynchées par le gouvernement et les médias français en raison de leurs liens avec Moscou ? A-t-il pensé que Paris ne laisserait pas impuni l’affront des dirigeants maliens après que ces derniers eurent demandé aux troupes de Barkhane et de Takuba de quitter leur pays ? Ce qui est certain, c’est que Bazoum n’avait pas envie de se brouiller avec Macron, ni avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui pourrait prendre des sanctions économiques contre son pays s’il osait faire appel à Wagner comme le Mali et le Burkina. Il croyait dur comme fer qu’il était dans son intérêt de s’éloigner de ces “mauvais exemples” de l’Afrique occidentale, de les vilipender chaque fois que l’occasion lui en était donnée. Qui ne se souvient de ses diatribes contre les dirigeants burkinabè au sujet des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), qui existent au Burkina depuis le 21 janvier 2020 ? Pour Bazoum, en effet, “armer les civils pour combattre les terroristes est une tragique erreur”. Il est toutefois difficile de lui donner raison dans la mesure où la peur a commencé à gagner le camp des djihadistes grâce à l’action conjuguée de l’armée et des VDP. Les Nigériens admettront que c’est plutôt lui, Bazoum, qui commit la plus grande erreur en s’acoquinant avec la France, en prenant fait et cause pour cette dernière chaque fois qu’elle était conspuée et fustigée, en laissant l’uranium du Niger entre les mains de la compagnie française Areva devenue Orano en janvier 2018.

Cela fait plusieurs années que la France exploite cet uranium sans aucune contrepartie pour le Niger, qui serait le second pays le plus pauvre de la planète et dont 80% de la population serait privée d’électricité. Si Mamadou Tandja fut renversé le 18 février 2010 par le chef d’escadron, Salou Djibo, un militaire proche de l’ancienne puissance colonisatrice, ce n’était pas uniquement parce qu’il voulait briguer un troisième mandat, mais, parce qu’il avait l’intention d’ouvrir le marché de l’uranium à la Chine.

Bref, Mohamed Bazoum a perdu le pouvoir parce qu’il s’était mis du mauvais côté de l’Histoire. Il fut mal inspiré de compter sur un pays qui, chaque jour, perd du terrain dans ses ex-colonies à cause de son arrogance, de sa duplicité et, surtout, à cause de son incapacité à se remettre en question pour envisager un nouveau type de rapports avec l’Afrique. Il aurait dû comprendre que le peuple africain s’est réveillé, qu’il y a des comportements et pratiques que les Africains ne peuvent plus tolérer et que le temps des “marionnettes et des mendiants” est terminé.

Macky Sall peut ne pas aimer les deux termes (“marionnettes” et “mendiants”) employés par le capitaine, Ibrahim Traoré, au Sommet Russie-Afrique de Pétersburg pour stigmatiser certains esclaves plus soucieux de satisfaire les desiderata du « maître » que de servir les intérêts de leurs populations, mais, peut-on voir autrement ces maudits dont la seule préoccupation est de plaire à Paris ? Traoré n’a-t-il pas dit la stricte vérité ?

Jean-Claude DJEREKE

est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis)

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