La comparaison avec l’actuel président du Bénin, Patrice Talon, tient la route car pour devenir président du Bénin, ce dernier a attendu que son poulain, Yayi Boni, termine son deuxième et dernier mandat, et s’oppose à son ambition plus ou moins discrète de changer la constitution pour se présenter à sa succession, pour qu’il se lance, à son tour, dans la campagne présidentielle avec les succès qu’on sait. Au regard de son âge, le président, Muhammadu Buari, a beaucoup donné de sa personne pour terminer ses deux mandats de 4 ans. Dès lors, le chemin était grandement ouvert pour son principal soutien financier, lors de ses deux victoires à la présidentielle.
Elu en février lors d’un scrutin controversé, le nouveau président nigérian, Bola Ahmed Tinubu, a été investi,, lundi, 29 mai. Il devra diriger un pays qui s’enfonce dans une crise économique et faire face à une insécurité généralisée.
Il n’avait cessé de répéter que son « heure » avait sonné : Bola Ahmed Tinubu, homme politique aussi puissant que controversé, a prêté serment, lundi, 29 mai, et pris la tête du Nigeria. L’ambition de toute une vie.
« En tant que président de la République fédérale du Nigeria, je m’acquitterai de mes devoirs et de mes fonctions honnêtement, au mieux de mes capacités, fidèlement et conformément, à la Constitution », a déclaré le nouveau président lors de sa cérémonie d’investiture à Abuja, la capitale fédérale.
De nombreux chefs d’Etat africains ont fait le déplacement, comme les présidents Nana Akufo-Addo (Ghana), Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud) ou le premier ministre, Dion Ngute, (Cameroun), qui remplaçait le président, Paul Biya. Et beaucoup d’autres. Un important dispositif sécuritaire était déployé dans la capitale.
A 71 ans, celui que l’on surnomme « le parrain », le « faiseur de roi » ou encore « le boss » pour son influence considérable, a été élu en février, au premier tour et avec une confortable avance, président du pays le plus peuplé d’Afrique. Ses deux principaux adversaires ont dénoncé des fraudes « massives » lors du scrutin et déposé des recours en justice, toujours en examen.
Avec sa victoire, ce musulman multimillionnaire, ardent défenseur de la démocratie en exil pendant la dictature militaire des années 1990, a gravi tous les échelons politiques. Une ascension rythmée par maintes accusations de corruption, sans qu’il soit jamais condamné.
Si Bola Ahmed Tinubu était favori, les dernières semaines de campagne avaient rebattu les cartes, notamment, en raison de gigantesques pénuries d’essence et de billets, qui avaient alimenté le ressentiment contre le parti au pouvoir. Les experts avaient décrit cette présidentielle comme la moins prévisible depuis le retour de la démocratie au Nigeria en 1999. Surtout à cause d’un candidat surprise, Peter Obi, favori de la jeunesse urbaine, arrivé troisième derrière l’ancien vice-président Atiku Abubakar.
Dans un pays où l’état de santé des dirigeants est un sujet sensible, la condition de Bola Ahmed Tinubu inquiète. Apparu fragile à la télévision, montrant plusieurs fois des tremblements en public, il a fait plusieurs voyages à l’étranger avant son investiture et durant la campagne.
L’intéressé réfute en diffusant des vidéos de lui moulinant sur un vélo d’appartement ou en train de danser, visiblement, hilare.
Sa communication ne suffit pas à rassurer les Nigérians, marqués par les nombreux voyages à l’étranger du sortant, Muhammadu Buhari, pour soigner une maladie secrète. Une bonne partie croit d’ailleurs que Bola Ahmed Tinubu a bien plus que 71 ans.
Le politicien à l’éternel chapeau traditionnel yorouba a gouverné durant huit ans (1999-2007) Lagos, le poumon économique du Nigeria. Ancien homme de l’ombre à la silhouette frêle, il y a conservé une influence considérable.
Le clientélisme demeure omniprésent au Nigeria. Fin stratège, Bola Ahmed Tinubu a, toujours, été perçu comme l’homme derrière toutes les nominations politiques dans sa région natale (Sud-Ouest) et bien au-delà. Pour beaucoup, son influence avait d’ailleurs propulsé Muhammadu Buhari à la tête de l’Etat en 2015 et lui a permis de se faire réélire en 2019. D’où son surnom de « faiseur de roi ».
Couronné à son tour, Bola Ahmed Tinubu aura la lourde tâche de remettre le pays sur les rails, après deux mandats marqués par l’explosion de la pauvreté et de l’insécurité. Le « parrain » a assuré que ses priorités seraient la sécurité et la reprise économique, avec notamment la fin des subventions du carburant, sujet très sensible au Nigeria.
Il met pour cela en avant ses succès à Lagos, s’attribuant la transformation spectaculaire de la mégalopole de 20 millions d’habitants durant ses deux mandats, marqués par l’afflux de capitaux étrangers.
La fortune du « boss » – dont la source et le montant exact sont inconnus – fait aussi beaucoup parler : il est considéré comme l’un des hommes les plus riches du pays, avec des parts dans de nombreuses entreprises, des médias à l’aviation, en passant par l’hôtellerie et l’immobilier.
Beaucoup l’ont accusé de corruption et de blanchiment d’argent, notamment, lorsque la justice américaine l’a cité en lien avec un vaste trafic d’héroïne dans les années 1990 aux Etats-Unis, ce qu’il a toujours nié.
Répété à tout-va, son slogan de campagne, « Emi Lokan » (C’est mon tour), ne l’a pas aidé à se défaire de sa réputation d’homme assoiffé de pouvoir.
Avec AFP