Titre royal pour un bandit recherché pour meurtres et enlèvements : la stratégie d’un responsable traditionnel au Nigeria de couronner un chef de groupe criminel pour protéger les siens, a provoqué la colère des autorités de l’Etat de Zamfara (Nord-Ouest), qui l’ont suspendu dans la foulée.
Pas une semaine ne passe dans le pays le plus peuplé d’Afrique sans que des bandes criminelles lourdement armées, les «bandits», attaquent, pillent, kidnappent et tuent des villageois dans le Centre et le Nord-Ouest, en particulier, dans les zones où l’État est quasiment inexistant. Face à ces violences à répétition, le gouvernement fédéral a classé ces «bandits» comme «terroristes» mais l’armée peine à enrayer les kidnappings de masse et les attaques hebdomadaires.
Samedi, 16 juillet, l’émir du district de Tsafe a provoqué un tollé en conférant au chef des bandits, Adamu Ada Aleru, le titre royal de «Sarkin Fulani», chef des peuls en langue haoussa locale. Avant la cérémonie, l’émir avait conclu un accord de paix avec le chef des bandits, symbole de la difficulté pour les communautés rurales à sécuriser des régions où les gangs font désormais la loi. Au Nigeria, les chefs traditionnels n’ont aucun pouvoir politique mais restent très respectés en tant que gardiens des traditions locales. Très controversée, la décision de conférer un titre royal à un criminel recherché démontre avant tout l’influence grandissante des bandes criminelles dans ces zones reculées, loin de la protection des forces de l’ordre.
Des centaines de bandits, appartenant au groupe criminel d’Adamu Ada Aleru sont sortis à moto de leurs cachettes dans la brousse pour assister à la cérémonie, a déclaré une source du palais. Cet événement a provoqué une pluie de réactions indignées sur les réseaux sociaux. «Couronner un meurtrier, c’est danser sur les cadavres des victimes», a, par exemple, écrit sur Twitter, le sénateur, Shehu Sani, militant des droits de l’homme, originaire, lui aussi, du Nord-Ouest (sur notre photo le président Muhammadu Buhari un ancien général de l’armée qui fut élu pour éradiquer le banditisme, le terrorisme et la corruption. Il n’a rien fait de tout ceci).
Dimanche, 17 juillet, les autorités de l’Etat de Zamfara ont dit «se dissocier» de la décision de l’émir. «Le gouverneur de l’Etat, Bello Mohammed Matawalle, a ordonné la suspension de l’émir avec effet immédiat», a précisé le communiqué. Mais, un porte-parole de l’émir a défendu sa décision, affirmant qu’il avait agi de bonne foi pour sceller une paix durable dans sa région confrontée à «l’horreur inimaginable» des attaques de bandits. «Le titre conféré à Aleru visait à renforcer la paix existante dans laquelle il a joué un rôle central», a déclaré Magaji Lawwali. «Avant l’accord de paix, nous étions assiégés et notre peuple était quotidiennement tué et enlevé pour obtenir des rançons mais tout cela s’est arrêté».
Selon des sources de sécurité, Adamu Ada Aleru, 45 ans, est un criminel respecté par des centaines de membres qui lui sont fidèles. «Il est glorifié par ses hommes pour son caractère impitoyable et il est responsable d’attaques perpétrées dans les Etats de Zamfara et de Katsina», a expliqué une source de sécurité sous couvert d’anonymat. En 2019, la police de Katsina a placé une prime de cinq millions de nairas (11.500 euros) sur sa tête. Les bandits multiplient leurs attaques malgré les opérations militaires sur la vaste forêt de Rugu, un de leurs repaires connus, à cheval sur les Etats de Zamfara, Kaduna, Katsina et Niger.
A la peine, les autorités locales usent de stratégies variées pour tenter d’enrayer les violences comme les amnisties, le refus de payer des rançons et la coupure des réseaux de communications. Les autorités s’inquiètent de liens grandissants entre les bandits du Nord-Ouest, motivés par l’argent, et les groupes djihadistes du Nord-Est, en proie à une insurrection depuis treize ans.
«Les gens de l’extérieur n’ont aucune idée de ce que nous traversons et pourquoi nous soutenons (la décision) de donner le titre royal à Aleru», insiste un résident de Tsafe, Attahiru Yahaya. «Nous vivons à la merci des bandits qui sont bien armés et impitoyables, attaquant nos communautés à leur gré sans aucune intervention du gouvernement», poursuit-il. Depuis l’accord de paix, il y a quelques mois, Attahiru Yahaya assure qu’Aleru et ses hommes n’ont pas mené d’attaque ni d’enlèvement. «Alors nous soutiendrons toute action visant à maintenir cette situation».