Ces 17 et 18 octobre, la Chine accueille la troisième édition du Forum des nouvelles routes de la soie. Un événement stratégique à ne pas rater pour les Emergents et Tiers-mondistes. En effet, vieille de 10 ans, cette initiative fut lancée pour soutenir le développement économique dans ces pays, avec pour but ultime de concurrencer l’aide au développement instauré par l’Occident, mais, conditionné par la mise en place de régimes démocratiques. L’alternative offerte par la Chine n’étant assortie d’aucune contrainte d’ordre politique.
Alors que plus de 130 pays étaient attendus à Pékin pour le 10ème anniversaire de ce programme commercial, de nombreux chefs d’Etat n’ont pas effectué le déplacement, les uns à cause du boycott de l’Occident à l’égard de la Chine, les autres à cause du contexte économique mondial qui continue d’aller en se dégradant, notamment, en conséquence directe de la guerre en Ukraine. Se sont surtout déplacés les dirigeants ayant une requête à adresser à leur homologue et hôte, Xi Jinping, tels que le Kenyan, William Ruto, avec son besoin de liquidités, ou l’Indonésien, Joko Widodo, et le Chilien, Gabriel Boric, en vue d’une future adhésion aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Elevé au rang d’ami, le président russe, Vladimir Poutine, est, personnellement, venu soutenir cet élan chinois, qui milite pour un monde multipolaire.
Depuis 2013, le programme des nouvelles routes de la soie aurait conduit les autorités chinoises à financer des mégaprojets pour près de 2000 milliards de dollars dans divers secteurs économiques clés des partenaires bénéficiaires, tels que les transports, les travaux publics, l’électricité, les télécommunications, etc… Bien qu’elle ait permis à certains de ses derniers de se doter d’infrastructures dignes de ce nom, cette initiative n’a pas souvent débouché sur la réalisation des gains substantiels en termes d’échanges commerciaux, pourtant, promis aux nations participantes.
C’est le cas, par exemple, de l’Italie, seul Etat européen du G7 à avoir adhéré au programme, qui a décidé de réévaluer la pertinence de ses accords commerciaux avec le géant asiatique. Selon des statistiques locales, l’écart observé dans le volume des exportations entre les deux nations s’est accentué en faveur de la Chine, passant de 18 milliards en 2019 à 41 milliards en 2022. Accusé pendant des mois de s’enrichir sur le dos de ses partenaires, Xi Jinping a expliqué ne jamais avoir été dans l’optique de réaliser des excédents commerciaux, puisque cela irait à l’encontre de la vision de son programme commercial.
Toutefois, soucieux d’allier la parole aux actes, le dirigeant chinois a procédé à la révision de l’initiative des Nouvelles routes de la soie afin de tenir compte des réalités mondiales du moment, dont la transition environnementale, l’endettement des pays, et le ralentissement de l’activité mondiale. Ainsi, la nouvelle version du programme de développement chinois s’inscrira, en priorité, dans une logique de financement des projets répondant à des critères de qualité. Cet ajustement marque donc la fin des investissements lourds dans les infrastructures chez les partenaires de Pékin.
En concentrant ses financements extérieurs, dont une enveloppe supplémentaire de 100 milliards annoncée par Xi Jinping à l’issue du Sommet de Pékin, sur des projets verts, la Chine signale sa détermination à jouer un rôle majeur dans l’atteinte des objectifs de développement durable déclinés par l’ONU. L’Afrique, qui abrite d’énormes réserves de ressources énergétiques renouvelables, saura-t-elle saisir cette opportunité pour émerger et réduire son retard sur les pays développés ?
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)