Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a estimé, jeudi, 10 janvier, que les résultats annoncés de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC) ne semblaient « pas conformes aux résultats que l’on a pu constater ici ou là ». Quelle mouche a donc piqué le patron du Quai d’Orsay dont la réaction post-électorale est, toujours, conforme aux positions du pouvoir en place, quand il ne se borne pas, simplement, à conseiller le recours aux institutions républicaines, dans la paix, en cas de contestation ? Ces dernières années, l’Union européenne, au contraire, ne s’est pas montrée complaisante. Au Gabon, elle avait pondu un rapport aux antipodes de celui des observateurs africains. La position de l’Union européenne était, tellement, tranchante que les autorités gabonaises ont dû regretter de l’avoir invitée pour observer leur présidentielle. Conséquence de ce changement de paradigme, au Cameroun, en octobre dernier, le gouvernement n’a pas commis la même erreur. Il a tenu l’Union européenne loin de sa « surface de réparation ». Cela veut-il dire que la complaisance des Occidentaux à l’endroit des pouvoirs africains aurait cessé ? Rien n’est moins sûr même s’il faudra observer l’attitude du chef de la diplomatie française, lors des futures élections présidentielles qui auront lieu dans l’ancien pré-carré français.
La Commission électorale nationale (CENI) a annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi la victoire de l’opposant, Félix Tshisekedi, au scrutin présidentiel qui avait lieu le 30 décembre en RDC, avec 38,57 % des voix devant le candidat (officiel) de l’opposition, Martin Fayulu (34,8 %).
« Les élections se sont déroulées à peu près dans le calme, ce qui est une bonne chose, mais il semble bien que les résultats proclamés […} ne soient pas conformes aux résultats que l’on a pu constater ici ou là, parce que la Conférence épiscopale du Congo (CENCO) a fait des vérifications et annoncé des résultats qui étaient totalement différents », a déclaré Jean-Yves Le Drian (sur notre photo avec le président de la Commission africaine Moussa Faki Mahamat) sur CNews.
Dans les minutes ayant suivi cette annonce, deux diplomates ont déclaré que ces résultats étaient en contradiction avec le décompte effectué par la CENCO), selon laquelle la victoire revient à un autre dirigeant de l’opposition, Martin Fayulu. Ce dernier a dénoncé un « putsch électoral ».
La France, a ajouté le ministre des Affaires étrangères, a saisi le Conseil de sécurité des Nations-Unies en fin de semaine dernière « pour que les résultats constatés soient les résultats réels ». « Elle souhaite que les chefs d’Etat africains et les organisations africaines puissent agir pour que les résultats soient les vrais résultats des élections », a-t-il souligné.
Cela dit, la France est-elle sérieuse quand elle saisit les dirigeants africains dont les pratiques électorales ne sont pas différentes de ce qu’on constate, aujourd’hui, en RDC ? Un Sassou N’Guesso grand ami de Le Drian va-t-il agir pour la transparence électorale au Congo-Brazzaville ? Macron qui a décidé de financer les législatives au Tchad en mai prochain va-t-il empêcher son « ami » Déby de les gagner alors qu’il est (strictement) minoritaire dans le pays ?
Mais, quelles que soient les analyses qu’on puisse y faire, la réalité est que la politique néocolonialiste de la France a fait son temps. Comme Paris refuse de tuer la Françafrique, elle va, bientôt, se surprendre dans un rang qui n’est pas le sien, où l’on compte des anciens pays colonisateurs comme le Portugal, l’Espagne, l’Italie, qui ne sont que des puissances mondiale de seconde (voire de troisième) zone.