En pleine semaine de la francophonie, le Niger a annoncé, lundi, 17 mars, dans une lettre, se retirer de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie), dirigée par l’ancienne ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo. Le Niger faisant partie des triplés du Sahel, les deux autres, à savoir, le Burkina Faso et le Mali devant suivre. D’ores et déjà, le Burkina Faso a annoncé vouloir entreprendre la même démarche. En attendant le Mali. La même politique est suivie au niveau de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) que les trois pays ont décidé de quitter car, selon eux, très inféodée à la France.
«Le gouvernement nigérien a décidé souverainement du retrait du Niger de l’Organisation internationale de la Francophonie», a écrit le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Laouali Labo, dans une lettre adressée aux ambassadeurs du pays. Le Niger où l’OIF fut créée en 1970, est une ancienne colonie française où la langue officielle est le français. On doit la création de l’ACCT (Agence de coopération culturelle et technique), l’ancêtre de l’OIF, à l’ancien président du Niger, Hamani Diori et à ses homologues du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, et du Cambodge, Norodom Sihanouk. L’ACCT fut créée en 1970, à Niamey, au Niger, chez Hamani Diori. Aujourd’hui, le Niger la quitte. Quelle histoire… (sur notre photo, les trois chefs d’Etat membres de l’AES qui sont en train de quitter l’OIF).
«Le Niger a écrit à la France et la France nous a informé de cette notification», a confirmé la porte-parole de l’OIF, Oria K. Vande Weghe. «C’est une décision qu’on déplore mais qu’on respecte», a-t-elle réagi. «L’OIF considère peut-être être un dommage collatéral d’une situation géopolitique qui la dépasse», a-t-elle commenté, ajoutant que celle-ci resterait «près des Nigériens». La porte-parole devrait ajouter le Burkina Faso et le Mali à cette liste, ce qui commence à faire beaucoup.

A cette décision, une petite explication : Le Niger (comme le Burkina Faso et le Mali) avait été suspendu de l’organisation quelques mois après le coup d’état, qui avait renversé en juillet 2023, le président élu Mohamed Bazoum, un grand ami de la France. Quelques programmes avaient bénéficié d’une exception. Mais, là où le bât blesse, c’est parce que la même OIF a gardé comme membre, le Gabon, où un coup d’état militaire avait été fomenté le 30 août 2023. A Niamey, on considère que l’OIF fait une politique de deux poids deux mesures. Et soupçonne le président, Emmanuel Macron, d’agir contre le Niger dans l’anti-chambre de l’OIF.
Pour être équilibré dans l’explication, précisons que l’OIF avait exigé un retour rapide à l’ordre constitutionnel et la libération de Mohamed Bazoum, séquestré depuis le coup d’état avec son épouse dans le palais présidentiel. Ils y sont encore, mais, bien alimentés et reçoivent, régulièrement, la visite de leurs médecins. En réponse, les autorités nigériennes avaient annoncé suspendre leur coopération avec l’OIF. Le pays compte 13% de francophones, soit, un peu plus de 3 millions d’habitants.
«Le Burkina Faso a déjà annoncé une démarche similaire», a ajouté Oria K. Vande Weghe. Ce retrait, confirmé par d’autres sources, n’a pas été officiellement annoncé par les autorités burkinabè. «Bien entendu, les gens s’attendent peut-être à ce que le Mali suive», pays allié du Burkina Faso et du Niger par la confédération de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), «mais pour l’instant, il n’y a pas eu de démarche du Mali», a encore déclaré Oria K. Vande Weghe. «On espère que ce ne sera pas le cas», a-t-elle lancé.
Le Niger, le Mali et le Burkina Faso sont, tous, des anciennes colonies françaises dirigées par des pouvoirs militaires, où l’armée française vient d’être chassée pour incapacité à aider à juguler le terrorisme et plus grave, pour collusion avec les djihadistes. Ce qui explique que les trois pays aient fait appel à la Russie qui ne demandait pas mieux pour répondre spontanément à leurs besoins. Il n’est donc pas exclu que la Russie essaie de nettoyer tout ce qui a trait à l’influence de la France dans le Sahel, même si c’est à travers des organisations sous-régionales (CEDEAO) et internationales (OIF). C’est de bonne guerre.

Basée à Paris, l’OIF compte, désormais, 90 Etats et gouvernements avec pour mission de promouvoir la «langue française et la diversité culturelle et linguistique», «la paix, la démocratie et les droits de l’Homme», ou encore «d’appuyer l’éducation». L’OIF est surtout accusée d’accompagner les dictatures dans les pays du Sud, notamment, en Afrique où ses missions d’observation des élections penchent toujours du côté du pouvoir en place. D’aucuns considèrent cette instance comme un fervent soutien des dictateurs africains sous l’oeil bienveillant de Paris, leur mentor. Cela dit, cette critique ne date pas d’aujourd’hui. Elle est survenue au moment où Jacques Chirac changeait le cap de l’OIF en y faisant une « Petite ONU » ou une ONU à la française. Il y plaça son ami, l’Egyptien, Boutros-Boutros Ghali que les Américains venaient de renvoyer de l’Organisation des nations-unies où il officiait comme secrétaire général à cause de son parti pris pro-palestinien. Ce fut le début de la descente aux enfers de l’OIF dont le bon fonctionnement prit fin avec le départ du Canadien, Jean Louis Roy. Pendant ses deux mandats, il y avait une concurrence saine mais fructueuse entre la France et le Canada dans l’apport des financements, la France refusant de se faire distancée par le Canada dont le ressortissant était le patron de la Francophonie. Après son départ, les interventions qui touchent réellement les populations dans le domaine scolaire et économique, ont baissé les financements du Canada n’ayant plus suivi même quand la Canadienne, Michaëlle Jean, vint présider aux destinées de la Francophonie. Aujourd’hui et ce depuis le départ de Jean Louis Roy, on ne sent plus la présence de l’OIF sur le terrain. A qui la faute ? Certainement pas à Louise Mushikiwabo.
S’ils décident de claquer la porte, le Niger, le Burkina Faso et bientôt le Mali savent qu’ils ne perdront pas grand-chose au change. Avant, c’était difficile qu’un pays africain tienne un tel discours parce qu’il prenait la calculette et voyait qu’il n’y a aucun intérêt à quitter l’organisation. Comme quoi, les temps ont vraiment changé à l’OIF.