Présenté comme un « ami personnel » de Nicolas Sarkozy et de la France, le président de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, vient d’effectuer une visite d’Etat à Paris, moins d’un an, après avoir pris ses fonctions à Abidjan. Un privilège exceptionnel que n’ont pas toujours eu d’autres chefs d’Etat africains qui, il est vrai, ne se prévalent pas toujours de l’étiquette de « chefs d’Etat démocratiquement élus ».
Je suis content pour Alassane Ouattara dont le pays revient de très loin, de s’être mis résolument au travail pour faire de la Côte d’Ivoire, un pays émergent vers l’horizon 2020. Non seulement, il en a la capacité et la compétence, mais il dispose d’un vaste réseau d’amitiés de par le monde qui peut permettre à ses compatriotes d’être optimistes. Souhaitons simplement la paix et la stabilité pour ce pays qui n’est devenu que l’ombre de lui-même, pour qu’il rejoue son rôle de locomotive au sein de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine).
La Côte d’Ivoire a également et surtout besoin de réconciliation même si Alassane Ouattara voudrait un réel rassemblement de tous les enfants de ce pays. L’union devra faire la force en Côte d’Ivoire, tout en donnant la possibilité à une justice (indépendante) de passer, aussi bien chez les partisans de Laurent Gbagbo que chez ceux d’Alassane Ouattara. Pour pouvoir convaincre le camp adverse, le pouvoir devra absolument faire des sacrifices dans ses propres rangs. Le pays du Sage Houphouët n’est donc pas encore sorti du tunnel. Espérons que les Ivoiriens comprendront les enjeux et accepteront que ceux qui les unit est plus fort que ce qui peut les diviser. Au nom de l’intérêt supérieur de la Côte d’Ivoire.
Laurent Gbagbo a dirigé la Côte d’Ivoire à sa façon. Comme il a pu et au regard du contexte qui lui était imposé. Il a accumulé beaucoup d’erreurs graves ces dernières années dont la plus fatale a été de ne pas reconnaître, en démocrate qu’il disait être, lui « l’enfant des élections », sa défaite à l’élection présidentielle. Mais malgré tout, il demeure un homme courageux qui a fait des choix courageux, sans parfois aller au bout de ceux-ci quand il ne se contredisait pas. Il est actuellement interné à la Cour pénale internationale. Mais il est loin d’être politiquement fini. Qu’il soit libéré cette année ou plus tard, son retour en Côte d’Ivoire sera un événement politique majeur qu’aucune force ne pourra contenir. Les nouvelles autorités ivoiriennes devront avoir cette perspective à l’idée. Même sans sa direction complètement décapitée, le FPI reprend des forces au moment où les risques de déstabilisation du pays ne sont pas à négliger. Certains pays voisins abritent, parfois involontairement ou inconsciemment, des individus potentiellement dangereux pour la stabilité de la Côte d’Ivoire. Et ce ne sont pas les 300 à 400 légionnaires français stationnés sur place qui pourraient faire changer la donne, si la paix ne revenait réellement pas dans les cœurs des Ivoiriens.
Sans complexe, Alassane Ouattara a demandé et obtenu (sans se soucier des qu’en dira-t-on) la signature d’un nouvel accord de défense avec la France. Le président ivoirien prête ainsi le flanc pour être battu par ceux qui le qualifiaient déjà de « préfet » de Paris en Côte d’Ivoire. Mais mûri par des crises à répétition qui ont jalonné l’histoire récente de son beau pays, il n’en a cure du moment où pour lui, « C’est un accord qui montre (simplement) que la France est aux côtés de la Côte d’Ivoire dans sa quête de sécurité (et) que l’armée française n’a pas vocation à s’ingérer, ni de près, ni de loin dans les affaires de la Côte d’Ivoire », a indiqué Nicolas Sarkozy, sans convaincre personne.
Comme on voit, l’équation est loin d’être simple pour Alassane Ouattara. En face de lui, se réveille une opposition conditionnée par le FPI qu’on croyait assommé pour longtemps. Dans son propre camp, des voix discordantes commencent à se faire entendre au PDCI qui n’approuve pas le partage des postes du pouvoir : les amis du président Henri Konan Bédié demandent l’application des accords. Ils exigent que la primature leur revienne. Maintenant.
Mais oublions cette affaire qui fâche dans le camp de la majorité. Notons en revanche que la France, selon Sarkozy, veut faire de la Côte d’Ivoire la vitrine de ses relations rénovées avec une Afrique démocratique. Précisons simplement qu’une telle sollicitude ne doit pas lui donner le droit de s’ingérer, comme elle le fait, régulièrement, dans les affaires intérieures des pays africains.
Il n’appartient pas, par exemple, à la France de dire qui doit se présenter ou non à une élection présidentielle africaine. Aucun dirigeant africain n’a jamais dénié le droit de se présenter à une élection présidentielle à un homme politique français, quel qu’il soit. De quel droit peut-on conseiller à Paul Biya du Cameroun ou à Abdoulaye Wade du Sénégal de se reposer quand les Camerounais ou les Sénégalais ne l’en tendent pas de cette oreille ? Que de telles injonctions soient faites sous forme de conseils d’amis venant de Washington ou de Paris, nous, Africains d’Afrique et de la diaspora, trouvons cela inacceptable. Que Obama et Sarkozy s’occupent de leur réélection qui est loin d’être acquise, et qu’ils nous laissent tranquilles dans nos tropiques.