De l’odyssée de l’Aquarius au blocage d’autres navires en Méditerranée, l’Union européenne (UE) se déchire depuis deux semaines autour de la question des migrants. Avant le sommet des Vingt-Huit, prévu jeudi 28 et vendredi 29 juin à Bruxelles, le commissaire européen aux Migrations a estimé que « le projet européen » était « en danger ». Dimanche 24 juin, la tenue d’un mini-sommet d’urgence entre les dirigeants de 16 pays de l’UE n’a pas permis d’apaiser les tensions et aucune stratégie commune n’est ressortie de la réunion. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi aucun consensus ne se dégage-t-il ? On vous aide à comprendre pourquoi l’Europe se divise sur l’immigration. Cela dit, il faut noter que l’immigration (africaine) est provoquée par l’extrême pauvreté des arrivants. Cette extrême pauvreté est la conséquence des mauvaises politiques de coopération entre l’Europe et l’Afrique, lesquelles politiques ne profitent pas aux peuples, c’est-à-dire, aux arrivants africains en Europe. La mal-gouvernance en Afrique ne bénéficie pas non plus aux 28 pays européens, mais à quelques-uns seulement, qui ont eu un passé colonial en Afrique. La France, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal et l’Italie, sont les anciens colonisateurs des pays africains. Leur coopération en Afrique est très décriée car elle n’atteint pas les peuples. Elle est détournée au profit de certaines élites de ces pays donneurs d’aide et partagée avec leurs alliés des pouvoirs africains. A titre d’exemple, cette mauvaise politique entre la France et les pays francophones d’Afrique, est appelée « Françafrique ». La démanteler serait synonyme de très grand affaiblissement de la France dans le domaine économique, au moment où la France perd des parts de marché dans le monde. Voilà le problème central à résoudre et qui, tôt ou tard, entraînera l’implosion de l’UE, dans sa forme actuelle.
Pourquoi une nouvelle réunion de l’UE ? Il n’y en avait pas déjà eu une dimanche ?
Il y a bien eu un « mini-sommet » de crise à Bruxelles, le 24 juin, organisé à la dernière minute par la Commission européenne. Cette réunion a réuni 16 pays, dont la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche et Malte, afin de rechercher des « solutions européennes » sur l’accueil des migrants. Les quatre pays du groupe dit de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) n’ont pas participé à la réunion, refusant toute négociation avec les autres Etats, notamment, le projet de quotas de répartition des réfugiés voulu par Angela Merkel. Ces pays estiment qu’ils ne sont pas à l’origine des dégâts causés dans les pays africains exportateurs de migrants. Ils n’ont donc pas à payer le prix.
De son côté, l’Italie a plaidé pour une plus grande solidarité des pays membres et a présenté une liste de propositions, comme la création de « centres de protection internationaux » dans les pays en transit, sans convaincre ses partenaires. Car ici, on ne s’attaque pas au problème de fond. On essaie de contourner la difficulté.
A l’issue de cette réunion, la chancelière allemande Angela Merkel a annoncé qu’aucune « solution à 28 » ne serait possible et a envisagé des accords « bilatéraux ou trilatéraux ».
Elle a démarré quand, cette « crise » ?
La question migratoire est revenue au cœur des débats après le refus de l’Italie de laisser accoster le navire humanitaire Aquarius sur ses côtes, le 10 juin. Le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, chef de la formation d’extrême droite la Ligue, a annoncé la fermeture de ses ports, entraînant le blocage du navire entre Malte et l’Italie. Après quatre jours de tergiversations au sein de l’UE, le nouveau premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a finalement proposé à l’Aquarius de jeter l’ancre dans le port de Valence pour que les migrants à bord soient pris en charge.
Bien que critiqué pour son inaction, Emmanuel Macron a dénoncé la « part de cynisme et d’irresponsabilité du gouvernement italien ». Ce à quoi Rome a répliqué en fustigeant les « leçons hypocrites » de Paris. Au sein de l’UE, le ton est une nouvelle fois monté d’un cran entre les partisans d’une ligne dure et unilatérale et les défenseurs d’une « approche européenne et coordonnée » (généralement les anciens pays colonisateurs qui continuent d’y puiser des richesses qui ne profitent pas aux pays africains concernés).
A cette situation s’ajoute l’impossibilité pour les Etats d’établir « une politique migratoire commune, analyse le spécialiste des migrations internationales François Gemenne. Depuis vingt-cinq ans, c’est la logique du chacun pour soi qui a prévalu. » Cette logique s’explique en partie parce que « chaque Etat membre a toujours eu seul la responsabilité de ses frontières extérieures », précise Marine De Haas, spécialiste des questions européennes à La Cimade, association de soutien politique aux migrants, réfugiés et déplacés.
On n’a pas du tout de politique migratoire en Europe, on a 28 politiques migratoires, François Gemenne.
Toutefois, les Etats collaborent via l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ex-Frontex), créée pour coordonner les politiques de gestion des frontières des Etats membres.
Mais les pays européens n’avaient donc rien fait jusqu’ici ?
Si. En mars 2016, l’Union européenne a passé un arrangement avec la Turquie pour que tous les migrants irréguliers (qui ne demandent pas l’asile ou ont été déboutés) qui ont traversé la Turquie vers l’UE soient renvoyés en Turquie, résume le site Touteleurope. Le coût de ces opérations est pris en charge par l’UE et Ankara reçoit une compensation de 3 milliards d’euros par an.
Conséquence : cet arrangement a participé à la diminution du nombre d’arrivées de migrants en Europe. Ils étaient « 1,01 million en 2015 » et « 172 000 l’année dernière à passer par la Méditerranée, précise Matthieu Tardis, chercheur à l’Ifri (Institut français des relations internationales), citant des chiffres du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Pour l’Italie, la baisse a été de 80% depuis le début de l’année, avec seulement 16 000 arrivants au total. »
Cette politique « externalisée » de contrôle des frontières n’a toutefois pas stoppé l’immigration et n’a fait que « déplacer le problème », estime François Gemenne. « D’autres routes migratoires se sont ouvertes, ou se sont réactivées. Il y a un passage beaucoup plus important par la Libye, par exemple. » « Les migrants font appel à des réseaux criminels et on retrouve plus de morts et de disparus aux frontières », renchérit Marine De Haas.
Pourquoi les regards sont-ils concentrés aujourd’hui sur l’Italie ?
Parce que la position prise par le gouvernement italien est inédite. En décidant de fermer ses ports aux bateaux des ONG, « l’Italie est allée à l’encontre du consensus européen établi jusque-là, estime Ferruccio Pastore, directeur du Forum international et européen de recherche sur l’immigration (FIERI) de Turin. Jusqu’à présent, l’Italie assurait l’accueil humanitaire des migrants mais, le 1er juin, l’extrême droite a fait son entrée au gouvernement.
Le nouveau ministre de l’Intérieur Matteo Salvini est partisan d’une ligne anti-immigration et souhaite installer en Libye des centres d’accueil et d’identification, afin de « bloquer la migration », a-t-il plaidé lors d’un déplacement dans la capitale libyenne, mardi 25 juin.
De plus, l’Italie estime qu’elle a déjà beaucoup participé à l’accueil des migrants, sans le soutien de ses partenaires. En 2013, le naufrage d’une embarcation au large de l’île italienne de Lampedusa provoque la mort de 360 migrants et choque l’opinion publique italienne. L’Italie réagit en lançant l’opération « Mare Nostrum », un dispositif de sauvetage d’envergure. Elle permet de sauver 150 000 personnes en un an, soit 400 par jour, détaille Le Monde. L’opération coûte 9 millions d’euros à l’Italie mais s’arrête en 2014. Elle est remplacée par l’opération « Triton » menée par l’Agence européenne de garde-frontières (ex-Frontex). Dotée de moins de moyens, c’est une mission de surveillance et non plus de sauvetage.
Que répond la France face à cela ?
« Ça change toutes les 24 heures, analyse le chercheur François Gemenne. La France essaie de trouver un compromis, pour le moment, entre une posture plutôt humaniste, qui est la posture d’Angela Merkel, et la ligne dure de l’Autriche et de l’Italie, mais c’est surtout une position qui n’assume pas vraiment de responsabilités. »
En 2016, Emmanuel Macron, alors candidat à la présidentielle, était pourtant plus affirmé sur la question : « Les réfugiés qui risquent leur vie pour des raisons politiques sont des héros », disait-il, cité par Europe 1. En avril, le projet de loi asile-immigration, jugé « dure », « inefficace » et « prématuré », y compris au sein de la majorité, a marqué un durcissement de la politique migratoire d’Emmanuel Macron. Le président s’est justifié en paraphrasant Michel Rocard, affirmant que la France ne pouvait pas « prendre toute la misère du monde. »
Pour le moment, Paris a émis quelques propositions, comme l’instauration de sanctions financières envers les pays de l’UE qui refuseraient d’accueillir les migrants ou la mise en place de « centres fermés sur le sol européen dès le débarquement », dans lesquels les migrants attendraient l’examen de leur cas, essentiellement en Italie mais aussi en Espagne. Elle a installé des « hot spots » au Niger et au Tchad pour filtrer les bons candidats à l’immigration. Mais c’est inefficace. Le HCR venait de dénoncer qu’en trois mois, seuls 200 personnes sur les 1200 possibles ont pu obtenir un visa pour la France. A noter que tous ces candidats à l’immigration fuient avant tout la mal-gouvernance dans leur pays, une mal-gouvernance encouragée par Paris.
Et l’Allemagne ?
Pour le moment, « Angela Merkel assume sa position, reprend François Gemenne. La chancelière est toujours d’accord pour que les migrants puissent demander l’asile sur le sol européen, y compris en Allemagne ». Cependant, elle fait face à une crise politique nationale inédite, l’empêchant de mener son projet à bien.
Angela Merkel a été sommée par ses alliés de l’Union chrétienne-sociale (CSU) de refouler aux frontières tout candidat à l’asile, explique Le Figaro. La CSU fait partie du gouvernement de « grande coalition » avec l’Union chrétienne-démocrate (CDU, parti de la chancelière) et le Parti social-démocrate (SPD). Son ministre de l’Intérieur Horst Seehofer, président du CSU, a exigé qu’elle trouve un accord européen les 28 et 29 juin, sans quoi il appliquerait cette mesure de refoulement dès juillet. Par ce coup de force, la CSU espère ainsi contrer la menace de l’extrême droite lors des élections régionales d’octobre en Bavière, dans laquelle elle détient la majorité absolue.
En 2015, Angela Merkel a décidé d’ouvrir son pays aux migrants, permettant l’arrivée en Allemagne de plus d’un million et demi de personnes. Une décision remise en cause par le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), arrivé troisième aux élections législatives en septembre dernier, pour la première fois de son histoire.
Il n’y a donc aucun point d’accord pour le moment ?
Un point de convergence perdure malgré tout : empêcher les arrivées de migrants sur le continent. L’une des idées principales est la création de « plateformes régionales de débarquement » dans différents pays, y compris hors UE, pour que les migrants secourus en mer puissent être pris en charge hors du territoire européen. Le but est d’éviter les bras de fer diplomatiques à chaque débarquement après une opération de secours avec les pays d’Afrique du Nord et d’insister sur le fait que monter dans un bateau ne garantirait plus une arrivée en Europe.
Pour certains pays, ces plateformes pourraient être crées en Tunisie ou en Albanie. Pour d’autres, comme l’Italie, elles pourraient être installées à la frontière sud de la Libye. Une mesure critiquée par certaines associations : « Nous, on appelle ça de l’externalisation. C’est la première fois qu’on évoque vraiment l’idée d’intercepter les gens en mer et de les ramener vers le sud de la Méditerranée. Or, le non-refoulement d’un réfugié est garanti par la Convention de Genève », dénonce Marine De Haas. Le vice-premier ministre libyen et la Commission libyenne des droits de l’homme ont, aussi, dénoncé cette politique italienne et refusé l’instauration de « camps » en Libye.
Au final, que peut-on attendre de ce Conseil ?
Les avis sont unanimes : les Etats membres de l’Union européenne ne prendront pas de décision radicale lors du Conseil européen. « Je pense qu’il n’y aura pas de position commune, anticipe François Gemenne. S’il y en a une, ce sera pour accentuer la fermeture des frontières, renforcer les moyens de l’agence Frontex pour la surveillance des frontières. »
Les pays membres pourraient adopter des positions au cas par cas, directement d’Etat à Etat. C’est ce qu’a évoqué Angela Merkel lors du mini-sommet de dimanche dernier. L’Allemagne pourrait par exemple discuter seule à seule avec l’Italie du nombre de réfugiés que Berlin renverrait à Rome.
En somme, la question de fond ne sera pas résolue. Car pour répondre à la question de l’immigration, il faut assainir les liens (incestueux) de coopération qui existent entre l’Europe et l’Afrique, et qui font que l’aide européenne n’arrive pas auprès des peuples africains. D’autre part, le sous-sol africain et les richesses du continent sont pillés avec le concours des dirigeants africains par les multinationales des pays européens qui allouent cette aide, et donc, ce sous-sol africain et ces richesses qui devraient stabiliser les Africains dans leur pays, enrichissent, au contraire, les (seuls) pays européens et marginalement les dirigeants africains, qui participent à cette magouille.
Reconnaissons tout de même qu’il ne faut pas mettre tous les dirigeants africains dans le même sac. Il y en a qui font des efforts et ça se voit dans leur pays. Mais, dans l’ensemble, beaucoup sont corrompus.
Avec franceinfo.fr