Afrique Education : Vous avez été élu, en mai dernier, président de l’Université de Paris 1 – Panthéon Sorbonne, l’une des universités les plus prestigieuses de France, après l’avoir présidée de 1989 à 1994, un passage qui, du reste, laissa de bons souvenirs, de l’avis général. Au lieu d’aspirer à une retraite méritée, vous revenez au premier plan. Pour quoi faire ?
Professeur Georges Haddad : Mon élection à la présidence de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en a surpris plus d’un, moi le premier, vingt-sept ans après une première élection tout aussi surprenante.
Ma candidature portée par « L’audace d’agir » avait pour objectif principal d’apporter à l’Université l’expérience acquise par les années passées à l’UNESCO comme Directeur de la division de l’enseignement supérieur, période au cours de laquelle j’ai tout particulièrement préparé et organisé deux conférences mondiales (1998 et 2009) sur l’enseignement supérieur et la recherche chacune avec un éclairage fort sur l’Afrique.
Je me considère comme un revenant riche d’une existence presque entièrement consacrée à l’aventure du savoir, fondement des missions universitaires.
Afrique Education : Pour cet entretien, c’est votre vision de et à l’Afrique qui nous intéresse. A l’Unesco où vous aviez dirigé l’enseignement supérieur et la recherche, pendant plusieurs années, on vous appelait, amicalement, « Monsieur Priorité Afrique ». Cette expérience acquise à l’Unesco va-t-elle vous aider à bâtir des ponts entre Paris 1 et les universités africaines ? Si oui, dans quels domaines, comment et quand ?
Professeur Georges Haddad : L’Afrique est unanimement considérée comme une priorité pour l’avenir d’un vingt et unième siècle soumis à de fortes perturbations depuis ses débuts.
L’enseignement supérieur et la recherche représentent un objectif majeur pour le développement pérenne d’un continent à la fois riche et fragile de son histoire, de ses ressources humaines et naturelles, de ses diversités politiques, culturelles et économiques.
De même que depuis un peu plus de deux siècles, l’enseignement supérieur et la recherche ont constitué les clefs du progrès et du développement en Europe, en Amérique du Nord et au Japon, cette affirmation revêt une acuité considérable pour le continent africain. Des modèles plus récents, du développement par l’enseignement supérieur et de la recherche, existent en Corée du Sud, en Chine, en Inde, en Israël…..
La question, à mon sens, centrale est de savoir si l’édification d’un espace africain de l’enseignement supérieur et de la recherche restera à l’état d’utopie ou au contraire, comme cela fut le cas pour l’Europe, si les Etats d’Afrique sont prêts à agir ensemble avec audace et réalisme pour sortir enfin d’une inertie qui risque d’être à tout jamais préjudiciable.
J’aborderai cette question lors de mon intervention à l’occasion du Colloque international de La Haye aux Pays-Bas consacré à l’enseignement supérieur en Afrique (19-20 mai 2017).
Chaque université du « Nord », Paris 1 comprise, devra apporter sa contribution à cet objectif en renforçant sa coopération avec les institutions africaines dans tous les domaines des missions universitaires.
Afrique Education : A partir de cette vision, qu’allez-vous faire, concrètement, avec l’Afrique pendant votre mandat ?
Professeur Georges Haddad : La réponse à cette question est déjà contenue dans la réponse à la question précédente.
Pour être plus précis, je souhaite renforcer et améliorer l’accueil des étudiants africains surtout au niveau doctoral ainsi que promouvoir la mise en place de programmes innovants de recherche sur des thématiques pluridisciplinaires hautement prioritaires pour le continent africain tels que l’environnement, le développement durable, la gestion des ressources humaines, les droits de l’Homme et la démocratie, les humanités numériques, domaines particulièrement forts de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Afrique Education : A l’Unesco, vous aviez, notamment, organisé avec Federico Mayor, la Conférence mondiale sur l’enseignement supérieur. Le volet Afrique de cette Conférence mondiale fut organisé, en 1998, à Dakar. Quel bilan aujourd’hui ?
Professeur Georges Haddad : Ici encore, la réponse à cette question est contenue dans ce qui précède.
Je dirai simplement que les promesses et les engagements sont loin d’avoir été respectés.
De toutes façons, il est grand temps pour les Etats africains de prendre en main leur destin sans attendre que les réponses ou les solutions viennent d’un « Nord » aujourd’hui confronté à des situations critiques tant politiques que culturelles ou économiques.
L’avenir de l’Afrique dépend des Africains et de leur volonté assumée d’entrer pleinement dans un 21ème siècle qui voit se profiler tant de périls et tant de promesses.
Propos recueillis par
Jean Paul Tédga