Le président de la République du Kenya, William Ruto, est dans la tourmente. D’une part, il a été déclaré persona non grata par le numéro 1 de la Transition au Soudan, le général, Al-Burhane, dans le cadre de la médiation effectuée sous l’égide de l’IGAD (Autorité intergouvernementale pour le développement), bien que cette organisation régionale continue de tout faire pour l’imposer comme le leader du quatuor des quatre pays (Kenya, Soudan du Sud, Djibouti, et Ethiopie) chargés de ramener les deux généraux soudanais (ennemis) à la table des négociations.
Il faut dire qu’al-Burhane a très mal pris la décision du dirigeant kenyan de recevoir Yussuf Ezzat, l’envoyé spécial de son rival et ex-numéro 2, le général, Hemedti, à Nairobi, en juin dernier, un tel acte ne pouvant traduire que la volonté du Kenya de voir un changement dans les hautes sphères du régime de Khartoum. Du coup, al-Burhane a clairement indiqué que rien ne serait fait tant que Ruto n’est pas remplacé au sein de l’initiative de l’IGAD. En d’autres termes, si la situation ne fait que s’enliser au Soudan, c’est à cause de la persistance de William Ruto.
Comme si bloquer le processus de restauration de la paix à l’extérieur ne suffisait pas, le chef d’Etat kenyan vient de susciter l’indignation du monde entier en réprimant, violemment, des manifestations dans la capitale de son pays. Exaspérés par la vie chère et les mesures budgétaires récemment appliquées pour résorber le déficit, les Kenyans ont voulu exprimer leur frustration aux autorités locales, ce qui a conduit à des violences et entraîné une dizaine de morts et des centaines de blessés. Un non-événement pour William Ruto qui, au lieu de tenter l’apaisement, a, plutôt, préféré réitérer qu’aucune manifestation ne serait tolérée, alors que dans le même temps, les Nations-Unies faisaient part de leurs vives inquiétudes. Les lointaines Nations-Unies dont le siège est à New-York aux Etats-Unis, seraient-elles plus soucieuses de la vie des citoyens kenyans que leur propre président qu’ils ont élu en août 2022 ? Bref, alors qu’il n’a pas encore fait un an à la tête du pays, William Ruto cultive une impopularité qui, tôt ou tard, risque de le desservir (sur notre photo, on voit l’ivresse de sa victoire fêtée par ses militants en août 2022).
Cette situation chaotique est un véritable cadeau du ciel qui vient renforcer l’opposant, Raila Odinga, dont la carrière politique était considérée comme finie il n’y a pas si longtemps, mais qui a su profiter du fait que William Ruto semble confondre majorité parlementaire et soutien populaire, au point de penser que le premier l’emporte sur le second. Ce que ses concitoyens se bornent, sans succès, à lui faire comprendre depuis des mois.
Ayant à peine fait un an au pouvoir, le moins qu’on puisse dire, c’est que William Ruto est, déjà, confronté à une crise de crédibilité. Sera t-il en mesure de garder la tête froide et de prendre les décisions qu’il faut pour le retour de la paix au Kenya et chez le lointain voisin soudanais ? Ou cherchera t-il à s’imposer par la force, le moment venu, au risque de semer la zizanie ?
Paul Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)