Le report d’une semaine de l’élection présidentielle pour casser l’industrie frauduleuse de son adversaire, Atiku Abubakar, permettait, déjà, de dire que cette élection serait gagnée par le sortant, Muhammadu Buhari. Ce qu’on n’imaginait pas, c’est le taux de participation et l’écart qui séparerait les deux candidats. Cela dit, Atiku Abubakar ne se dégonfle pas. Il a dénoncé ce mercredi, 27 février, la « parodie d’élection » dont il se dit victime et annoncé qu’il allait saisir la justice pour contester les résultats de la présidentielle tombés au milieu de la nuit et donnant le sortant Muhammadu Buhari largement vainqueur.
« Si j’avais perdu des élections libres et justes, j’aurais appelé le vainqueur dans la seconde », a déclaré le candidat du Parti populaire démocratique (PDP) dans un communiqué. « Non seulement je lui aurais adressé mes félicitations mais j’aurais aussi proposé mes services pour contribuer à unir le Nigeria. »
Citant de nombreuses irrégularités dans l’organisation du vote, Atiku Abubakar, ancien vice-président entre 1999 et 2007, a annoncé qu’il rejetait les résultats de « la parodie d’élection du 23 février 2019 ». « Je contesterai ces résultats en justice », a-t-il ajouté.
Dans la nuit de mardi à mercredi la Commission électorale indépendante (INEC) a mis fin à trois jours de compilation des résultats, annonçant la victoire du chef de l’Etat sortant avec une avance de près de 4 millions de voix sur son principal rival, soit, 56% des suffrages contre 41%.
« Nous sommes encore en train de rédiger notre plainte et de réunir les preuves nécessaires pour monter notre dossier », a expliqué Boladele Adekoya, porte-parole du PDP à l’AFP, ajoutant que le recours serait déposé devant la Cour Suprême comme le veut la constitution nigériane.
Or quelques semaines avant le vote, le président Buhari avait suspendu Walter Onnoghen, le président de la Cour suprême, organe judiciaire chargé de trancher les éventuels litige électoraux, sous des accusations de corruption, pour le remplacer par Ibrahim Muhammad Tanko, un homme du Nord du Nigeria, tout comme lui.
« Ils savaient qu’ils n’obtiendraient aucune légitimité à travers les urnes et qu’ils remporteraient le vote par la force », accuse, aujourd’hui, le porte-parole du PDP.
Avant l’annonce officielle des résultats, l’opposition avait, déjà, demandé aux Nigérians de ne pas en tenir compte, dénonçant des fraudes massives dans l’organisation du scrutin.
Mercredi matin, le groupe de surveillance de la société civile Situation Room, qui a déployé 8.000 agents locaux à travers le pays pendant le scrutin, a demandé des explications sur le million de votes annulés dans 18 Etats (sur un total de 36 Etats plus la capitale fédérale d’Abuja).
En 2015, bien que le scrutin ait été globalement salué par la communauté internationale et les observateurs malgré des problèmes logistiques inévitables, le nombre de vote annulés s’élevaient à 844.000 pour l’ensemble du pays.
Cette année, les observateurs locaux et ceux de l’Union européenne ont souligné des problèmes « graves » dans l’organisation du vote (retards à l’ouverture des bureaux de vote, intimidations d’électeurs, destruction de matériel électoral), alors que l’élection avait déjà été retardée d’une semaine, quelques heures avant l’ouverture des bureaux de vote prévu le 16 février.
« Situation Room appelle les partis politiques et les candidats qui ont des griefs avec le processus électoral à utiliser les recours légaux pour le faire », a déclaré l’organisation dans un communiqué mardi soir, craignant une montée des violences qui ont, déjà, fait 53 morts depuis samedi.
De son côté, le président sortant a remercié mercredi « les millions de Nigérians » qui ont voté pour lui et a promis « d’intensifier les efforts » notamment dans la lutte contre la corruption, ce « cancer » qui gangrène le premier producteur de pétrole du continent.
C’est sur ce point notamment que les deux principaux candidats en lice, MM. Buhari et Abubakar, âgés respectivement de 76 et 72 ans respectivement, tous deux Haoussas musulmans du Nord, se différencient.
L’ex général Buhari, austère, incarnait la lutte anti-corruption face à Atiku Abubakar, ancien vice-président et homme d’affaires millionnaire qui a, toujours, essuyé des doutes sur l’origine de son immense richesse mais proposait une libération de l’économie.
M. Buhari a, notamment, gagné dans ses bastions traditionnels du Nord, densément peuplés, tandis que son rival a remporté presque tous les Etats de l’extrême Sud chrétien, mais, le président sortant a, toutefois, séduit un nombre inattendu d’électeurs dans cette région qui lui est historiquement hostile.
L’autre point notable de cette élection est le très faible taux de participation (autour de 35% des 72 millions d’électeurs enregistrés).