Le général-président n’est guère usé par la fonction. Toujours prêt à servir, son parti l’a désigné candidat à la présidentielle de 2020 pour un troisième mandat, malgré les restrictions stipulées dans la Constitution. Personne ne jettera la pierre à Omar el-Béchir. Il s’inscrit dans une tradition africaine de la conservation du pouvoir qui anime les dirigeants de ce continent où on aime le pouvoir pour le pouvoir.
Le Parti du congrès national a choisi le général Omar el-Béchir à l’issue d’une réunion dans la nuit de jeudi, 9 août, à vendredi, à Khartoum, selon l’agence de presse officielle soudanaise Suna : « Nous avons décidé d’engager les démarches nécessaires pour lui permettre de se présenter à la présidentielle de 2020 », a déclaré le chef du Conseil consultatif du parti au pouvoir, Kabashor Koko, sans donner davantage de précisions sur ces démarches.
La Constitution soudanaise, ainsi que, la Charte du parti au pouvoir limitent à, seulement, deux, les mandats présidentiels de cinq ans pour une même personne. Ces textes devront, donc, être amendés si le général-président, âgé de 74 ans, se présente, à nouveau, pour être élu à la tête du pays.
Omar el-Béchir a pris le pouvoir en 1989 après avoir chassé, par un coup d’Etat, Sadek al-Mahdi, le dernier premier ministre, démocratiquement, élu du Soudan.
Il est la cible de mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour (Ouest).
Militaire de carrière, Omar el-Béchir est célèbre pour son penchant populiste, il se présente comme un dirigeant proche du peuple et ses discours se font, souvent, en arabe dialectal soudanais (notre photo).
Les deux scrutins présidentiels organisés depuis l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2010 ont été critiqués par les défenseurs des droits de l’Homme, pour qui le chef de l’Etat n’a jamais été confronté à des rivaux sérieux. En 2015, il avait d’ailleurs été élu à 94% des voix.
M. Béchir avait assuré par le passé qu’il ne se présenterait pas pour un troisième mandat, après avoir remporté deux élections marquées par le boycott de l’opposition. Mais, la réalité est plus forte que lui. Il fait don de son corps au pays.
« La décision de choisir M. Béchir en tant que candidat pour un troisième mandat aura un impact sur l’économie du pays : l’isolement du Soudan au sein de la communauté internationale va se poursuivre », a estimé Osman Mirghani, rédacteur en chef du quotidien indépendant Al-Tayar.
Car malgré la levée en octobre 2017 de sanctions imposées par Washington depuis des décennies, l’économie du pays peine à être relancée.
Les Etats-Unis ont, en effet, maintenu le Soudan sur la liste des pays soutenant le « terrorisme » et les banques étrangères tout comme les investisseurs étrangers restent frileux vis-à-vis du pays, déchiré par des décennies de conflits.
Washington avait imposé en 1997 un embargo commercial au Soudan, accusé de soutien à des groupes islamistes. Le fondateur d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, a vécu au Soudan entre 1992 et 1996.
Outre les sanctions, l’économie soudanaise a subi un coup dur avec la sécession du Soudan du Sud, en 2011, qui l’a amputée de la plus grande partie de ses revenus pétroliers.
Ces dernières années, le pays avait connu plusieurs rébellions dans diverses régions, théâtres d’affrontements sanglants. Le conflit au Darfour a, ainsi, fait plus de 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés depuis 2003, selon l’ONU. Des milliers de personnes ont, également, été tuées dans les Etats du Nil Bleu et du Kordofan-Sud.
En 2013, M. Béchir avait été confronté à un défi de taille quand des milliers de manifestants s’étaient mobilisés pour réclamer son départ.
Le mouvement avait été réprimé par les forces de sécurité et, selon Amnesty International, au moins, 200 manifestants avaient été tués. Les autorités avaient fait état de moins de 100 morts.
Par ailleurs, plusieurs manifestations antigouvernementales réprimées par la police ont eu lieu en 2016, notamment, après l’annonce par Khartoum d’une forte hausse du carburant dans le cadre d’une série de réformes économiques.
Avec AFP