Candidate surprise ? Que non ! Les Congolais et les Congolaises connaissent bien Claudine Munari, ancienne ministre et présidente du MUST. En plus de l’apprécier, ils la voyaient venir. La seule femme à livrer bataille, aux côtés des hommes de l’opposition, pour un Congo vraiment libre et démocratique. Sa non-candidature à l’élection présidentielle aurait surpris, au regard de son engagement et de sa lecture politique toute de finesse, des événements. Les Congolais et les Congolaises n’auraient peut-être pas pu la voir dans la plénitude de son talent, si l’opposition avait opté pour le choix d’un seul et unique candidat. C’était d’ailleurs la préférence de Claudine Munari, pour éviter d’aller au deuxième tour. Mais hélas, les ego surdimensionnés des uns et des autres, ont fait que, tout le monde se voyait calife à la place du calife. Faut-il s’en offusquer ? Certainement pas car la présidentielle qui est la mère de toutes les élections, permettra de savoir qui est qui dans l’opposition.
Claudine Munari dispose de plusieurs arguments pour séduire les Congolais et les Congolaises. Son premier atout, c’est d’être une femme, la seule qui va se retrouver dans cet univers de mâles où personne ne lui fera aucun cadeau. Les électrices congolaises n’auraient-elles pas intérêt à pousser une des leurs à un moment où la question genre est une préoccupation des Nations-Unies, notamment, en Afrique ? Son deuxième atout, c’est son programme dont elle dévoile, quelques pans (seulement), dans cette interview. Elle donne rendez-vous pendant la campagne pour ceux qui veulent en savoir plus. Cela dit, ses propositions sont simples et pratiques pour une mise en œuvre rapide : avec elle, on sait où on veut aller. Le troisième atout (et il y en a d’autres), c’est son expérience unique au Congo : très proche collaboratrice du professeur, Pascal Lissouba, elle a, également, étroitement, travaillé avec le président, Denis Sassou Nguesso.
Bref, Claudine Munari est unique en son genre. Non seulement, elle est la seule femme candidate, mais, elle ne fait rien comme les autres. C’est ce qui transparaît dans les lignes qui suivent.
Jean Paul Tédga.
Afrique Education : Madame MUNARI, ceci est votre première interview dans nos colonnes. Habituellement, nous terminons nos interviews en demandant à l’interviewé de dire un dernier mot. Avez-vous un premier mot ?
Claudine MUNARI : Oui, celui de l’expression de mes vives préoccupations quant à la situation de crise politique que traverse le Congo. L’indifférence à cette crise m’inquiète.
La crise n’est-elle pas passée ?
Non justement. C’est cela qui m’insupporte, cette façon de passer les Congolais par pertes et profits. Une constitution vient de nous être imposée par les armes. Les Congolais sont sortis dans les rues pour dire qu’ils n’en voulaient pas. Le pays avait été plongé dans un black out total : aucune communication avec l’extérieur pendant des jours, aucun contact internet, un état d’urgence non déclaré dure jusqu’à aujourd’hui. Des enlèvements et des arrestations arbitraires continuent. Les leaders de l’opposition sont, tous, assignés, de fait, à résidence. Le Congo a été soustrait du monde. Il a été arraché à la civilisation, tout le monde regarde et laisse faire. C’est cela qui me préoccupe.
Afrique Education : Voulez-vous dire que la communauté internationale ne s’implique pas assez dans la crise congolaise ?
C’est peu dire. Personne ne fait même semblant de s’intéresser au sort de ce peuple. Les chancelleries présentes, à Brazzaville, prennent date, répétitivement, mais, cela ne va pas plus loin. Le peuple congolais souhaite l’alternance, il l’a dit de toutes les façons qu’il pouvait. L’opposition est prête à rechercher des solutions pacifiques à la crise. De son côté, le gouvernement garde le doigt sur la gâchette comme seul mode d’expression. Tout le monde nous regarde comme si l’on ignorait ce qui se passe. On nous demande de choisir entre la résignation et l’escalade de la violence à des fins politiques, comme au Burundi. Or, nous n’acceptons ni l’un ni l’autre.
Afrique Education : Comment sortir de cette situation ?
Par le dialogue, c’est la seule voie. La seule qui soit raisonnable.
Afrique Education : Justement, parlant de dialogue, il y a eu celui de Sibiti. Vous aviez refusé d’y prendre part. Vous avez organisé un autre à Diata auquel les forces politiques du pouvoir n’ont pas pris part.
Celui de Sibiti n’était pas un dialogue, c’était convenu. La suite des événements a confirmé le scénario d’une farce jouée en pièces successives. A Diata, nous avons essayé d’esquisser une voie de sortie de crise. Le pouvoir a préféré l’obstination. Le prix a été très lourd.
Afrique Education : Pourquoi le dialogue que vous appelez de vos vœux n’a-t-il pas lieu ? Peut-on parler de mauvaise foi ?
L’opposition propose de discuter sans tabou. Nous ne pouvons pas imposer le dialogue. La communauté internationale s’arrête devant les cris de souveraineté du gouvernement. Est-il besoin de rappeler que la paix et la sécurité ne sont pas du ressort exclusif des Etats ? C’est une compétence partagée avec la communauté internationale. La paix est fragile. Lorsqu’elle est rompue dans un Etat, ses voisins sont exposés à des risques de contagion. Quand le gouvernement d’un Etat devient auteur des troubles à la paix, tous les autres Etats rassemblés en communauté internationale, doivent pouvoir intervenir pour protéger les populations.
Afrique Education : L’opposition congolaise est réputée pour sa nonchalance. Est-ce la faute de la communauté internationale ?
L’opposition congolaise a sa part de responsabilité. Elle ne peut, cependant, pas assumer celle de la communauté internationale et des autres partenaires de la paix. Le monde se penche sur le Burundi à mesure que le nombre de morts augmente. Tout se passe comme si on nous reprochait de ne pas avoir atteint un quota de morts à exhiber dans les médias. On a, royalement, ignoré les morts des 17 et 20 octobre 2015. Nous voulons construire un pays, pas détruire des vies. Pour la paix, nous devons agir ensemble.
Afrique Education : L’opposition congolaise a décidé de participer à l’élection présidentielle du mois de mars 2016 sans préalable. N’est-ce pas une résignation ?
Pas du tout. L’opposition burundaise avait boycotté l’élection de 2010 parce que les conditions n’étaient pas réunies. Ce choix a permis à l’actuel chef de l’Etat de se maintenir au pouvoir et de réaliser son forfait en 2015. C’est la preuve que la tâche de construire la démocratie depuis les bancs de l’opposition n’est pas de tout repos ; aucune solution n’est sans inconvénient, puisque d’y participer permet a contrario de légitimer la fraude. On ne pouvait pas ne rien faire. Nous avons décidé de participer, tout en poursuivant nos efforts pour améliorer la gouvernance électorale avant l’élection.
Afrique Education : Vous avez personnellement défendu bec et ongles le principe d’une candidature unique ? Regrettez-vous que cela n’ait pas abouti ?
Absolument. Je n’arrive pas à comprendre qu’on explique que la division des voix au premier tour nous ferait gagner, et que l’addition nous ferait perdre. Je crois, au contraire, qu’une candidature unique de l’opposition était le moyen le plus sûr de gagner dès le premier tour. Cette idée a été dissoute dans une formule, qui encourage la multiplicité des candidatures. Maintenant, je mise sur les reports de voix au deuxième tour en faveur du meilleur d’entre nous, car personne dans les conditions actuelles ne peut gagner, seul, dès le premier tour.
Afrique Education : Serez-vous candidate ?
Oui, je suis candidate. J’ai un projet, je dois le porter.
Afrique Education : Est-ce pour faire entendre une voix de femme ?
Pas du tout. Je veux que mes idées soient sanctionnées sans complaisance. En définitive, si je suis élue présidente de la République, j’aurai à exercer toutes les fonctions dévolues à cette qualité, notamment, celle de chef suprême des armées. Il vaut, donc, mieux qu’aucune faveur ne me soit concédée.
Afrique Education : Quelles seront vos priorités ?
Comme de nombreux pays d’Afrique, tout est, encore, au niveau basique. C’est à faire ou à refaire. Dans la hiérarchie des priorités, il va de soi que la santé et l’éducation arrivent en tête. C’est des points sur lesquels j’ai des propositions que je ferai connaître dans ma campagne. Ici, je peux aborder un petit nombre de mes propositions.
Afrique Education : Lesquelles ?
Il me semble impératif de revenir sur le débat constitutionnel. Nous avons un texte imposé par les armes. Cela met à mal le vivre ensemble qu’une constitution soit vécue par l’immense majorité du peuple comme l’objet et l’instrument de son humiliation. Une constitution n’est légitime que lorsque le scrutin a été libre, égal, transparent et universel. Une constitution issue du fait accompli crée un malaise qui ne s’apaise pas avec le temps. Seuls ceux qui l’ont imposée y voient des motifs de satisfaction. Je pense que nous devons dans la sérénité, pour l’unité nationale, pour la solidité des fondations de l’Etat, refaire cette réflexion.
Afrique Education : Souhaitez-vous revenir sur la protection sur mesure que le président Sassou Nguesso a conçue pour s’abriter des poursuites qui le guettent ?
Une réflexion intuitu personae est exclue. Les familiers de ma réflexion politique savent que je n’aime pas les questions de personne. Le statut du chef de l’Etat et celui des anciens présidents de la République sont inséparables d’une réflexion d’ensemble sur l’Etat et la société. Aucun sujet ne devrait miner le débat. Je pense, plus, aux moyens juridiques des pouvoirs publics, je pense à leur donner la capacité de transformer, rapidement, le réel. Un seul exemple : Nous aurons tout à gagner à donner un caractère constitutionnel à l’obligation de transformer, localement, une part importante des matières premières exploitées au Congo. Cela aura pour effet direct d’accélérer le transfert de technologie, et, par ricochet, deux conséquences : une amélioration de notre capacité à créer de la valeur ajoutée, et une facilitation de l’accumulation de capitaux locaux par le local content. L’innovation constitutionnelle n’est pas interdite ! Quand nous serons en situation, je formulerai mes propositions.
Afrique Education : Quelles seront vos autres priorités ?
Ma deuxième priorité sera de créer un boom d’emplois par la création des richesses. La dernière dont je peux parler ici, c’est la construction d’une véritable politique de justice.
Afrique Education : Commençons par ce que vous entendez par créer un boom d’emplois par la création des richesses.
L’Etat doit se repositionner dans la vie économique et sociale. Il doit admettre que son rôle est, certes, très important pour donner les impulsions nécessaires à la dynamique d’ensemble, mais, qu’en même temps, son rôle direct dans la production des richesses est très limité. C’est pourquoi, je propose que l’Etat et l’ensemble des pouvoirs publics se concentrent sur le rôle d’incitation à la création d’emplois et de protection de ceux qui existent.
Afrique Education : Concrètement, comment cela se fait-il ?
Avec le président, Pascal Lissouba (président démocratiquement élu en 1992 et chassé par les armes en octobre 1997 par Denis Sassou Nguesso, ndlr), nous avions créé le guichet unique pour que la création d’entreprise soit une question d’heures au Congo. C’était pour inciter les Congolais à entreprendre plutôt qu’à attendre de l’Etat. Il est utile de commencer par redonner vie à cette mesure, parce que de nombreux projets meurent à cause des obstacles liés à la création d’entreprise. Dans un deuxième temps, pour les activités économiques soumises à des régimes d’autorisation, il faudra simplifier et réduire les formalités au strict minimum nécessaire, avec des délais contraignants pour l’administration. La règle générale doit être que l’autorisation soit acquise de droit lorsque l’administration n’a pas répondu dans le délai fixé. Ceci sera le complément du principe de la liberté d’entreprendre, qui fait du régime d’autorisation une exception.
Afrique Education : C’est du libéralisme pur et dur ?
C’est du bon sens. Nous devons rechercher des solutions sans avoir peur des mots. Le libéralisme politique meurt s’il n’est pas soutenu par le libéralisme économique. L’Etat n’est, jamais, assez efficace en économie que quand il soutient les créateurs de richesses. Les barrières administratives sont de beaucoup dans le poids du chômage de masse. Pour agir sur la croissance, il faut éliminer les boulets administratifs. Mais, ça ne reste qu’une étape, qui, somme toute, serait sans grande efficacité si le reste ne suivait pas.
Afrique Education : Je vous suis.
Les difficultés d’action pour les porteurs de projet ne sont pas que d’ordre administratif. Elles sont, aussi, de l’ordre des finances. Là-dessus, la situation générale du crédit au Congo est on ne peut plus problématique. Toutes les banques sont en sur-liquidité, tandis que les porteurs de projet ne trouvent pas de financement parce qu’on leur demande des garanties, généralement, impossibles à remplir à court terme. Dans la difficulté de prêter leur argent à des investisseurs sans garantie, les banques surfacturent la gestion des comptes pour compenser les manques à gagner. Tout le monde est perdant dans la mesure où la manne financière liquide dans les banques aurait pu circuler dans l’économie et générer des emplois, sans compter les rendements croissants. La garantie est le goulot d’étranglement de la croissance au Congo. C’est celui-là notre problème.
Afrique Education : Comment le résoudre ?
Je propose la création d’un grand organisme public de garantie. Il comblerait le chaînon manquant entre les établissements financiers et les investisseurs. L’Etat doit prendre le risque que les banques ne peuvent pas prendre. L’Etat rappellera, aussi, aux banquiers que c’est dans leur métier de prendre des risques. On doit être interdit d’exercer ce métier au Congo si on ne prend pas de risque. Chacun devra jouer son rôle pour que le crédit circule. C’est le crédit qui doit faire vivre l’économie. En ce moment, c’est l’économie qui fait vivre les banques. Je veux arrêter cela.
Afrique Education : Comment faites-vous le lien avec la création d’emplois ?
Cela s’entend. Le financement de l’économie amplifiera les échanges, l’investissement et la consommation. Cela ne se fait pas sans générer des emplois dans tous les secteurs. Sans mettre de corrélation, on peut constater que la masse des chômeurs grossit avec la passivité de l’épargne. En fait, il y a des gens au chômage, il y a des porteurs de projets, qui peuvent les employer, mais, qui ne trouvent pas de financement, les banques ont des masses de capitaux qu’elles n’arrivent pas à prêter faute de garanties suffisantes. Il suffit d’organiser la rencontre entre les banques et les investisseurs pour que ces derniers rencontrent les demandeurs d’emplois. Cela paraît trop simple pour être vrai, mais, c’est pourtant ce qui se fait dans les pays où le taux de chômage est bas. Dans nos pays, les gens n’ont pas de capitaux, ou pas assez, pour investir et employer la main-d’œuvre. Il faut les aider à accumuler des capitaux en servant de caution. Seul l’Etat peut le faire à ce stade du développement ; d’où ma proposition de créer cet établissement public de garantie.
Afrique Education : N’est-ce-pas ce qui se fera avec le Fonds d’Impulsion, de Garantie et d’Accompagnement, le FIGA, qui est en cours de création ?
Il y a des nuances très importantes. Le FIGA se fait avec le concours des étrangers, notamment, les institutions financières internationales comme la Banque mondiale. Avec des banquiers dans ses rangs, on ne peut pas résoudre le problème que posent d’autres banques ; la logique de profit fera qu’ils ne prendront pas les risques de garantie que les banquiers prêteurs ne veulent pas prendre. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on parle de ce fonds depuis plus de cinq ans sans qu’il ne voit le jour. Nous avons les ressources, je propose qu’on crée notre propre fonds, très rapidement, par une loi ou une ordonnance. Il fera ce que le gouvernement lui confiera comme mission sans les pesanteurs venues de l’extérieur.
Afrique Education : Vous parlez d’interdire l’activité bancaire au Congo aux banques qui ne prennent pas de risques. La régulation des activités bancaires n’est-elle pas de la compétence de la CEMAC ?
Il y a des zones de partage avec les autorités nationales. Le Congo participe à la gouvernance sous-régionale. Le cas échéant, nous exercerons notre droit d’initiative pour réformer au niveau sous-régional ce qui doit l’être. Nous ne faisons pas de législation sous-régionale pour inhiber l’activité économique ou la croissance dans les Etats membres. Par exemple, les taux d’intérêts pratiqués, actuellement, sont usuraires. Comment peut-on aller au développement si le coût de l’argent est prohibitif ? C’est des débats que nous ouvrirons au niveau sous régional.
Afrique Education : Vous avez mentionné la justice. Pourquoi est-ce une priorité ?
D’abord parce que la justice est liée à la création des richesses. On ne crée pas de richesses dans l’incertitude. La sécurité juridique participe de l’assainissement de l’environnement des affaires. J’avais, déjà, ce chantier à cœur quand j’étais au ministère du Commerce et des Approvisionnements. Nous avions travaillé à l’installation du CEMACO, le Centre de Médiation et d’Arbitrage du Congo. Le projet poursuivait l’amélioration de l’efficacité de la justice par la célérité des procédures. Nous avions produit le premier recueil de la jurisprudence commerciale des juridictions congolaises, enrichi de la jurisprudence de la Cour Communautaire de Justice et d’Arbitrage. Je voudrai aller plus loin.
Afrique Education : C’est à dire ?
La justice est vécue dans notre pays comme une administration comme les autres. C’est cela que je voudrai changer. Je voudrai faire revivre la justice comme un droit fondamental, qui, à ce titre, doit être accessible. Au moment où nous parlons, tous les délais de rigueur, pour reprendre le jargon du secteur, ne sont plus respectés. Au fil des ans, les délais des décisions ne font que s’allonger, jusqu’à être, parfois, multiplié. On attend certaines décisions dans des affaires simples pendant trois ans, voire, même plus. Quand la justice est rendue, en retard, elle devient une injustice. Or, notre appareil judiciaire tend à devenir une machine à produire des retards.
Afrique Education : Comment inverser le cours des choses ?
Je vois les choses dans le sens d’une action sur la quantité et la qualité de la production judiciaire. Pour améliorer la quantité, nous allons revoir les ratios entre la population et le nombre de magistrats à son service à l’image de ceux de la population et des médecins, qui, sont, déjà, en cours d’amélioration. Cette logique s’appliquera aux autres professionnels de la justice, car leur rareté rend les coûts de la justice exorbitants. L’action sur la carte judiciaire est un complément logique de la première action. La justice est éloignée de ceux qui en ont besoin, il faut les rapprocher.
Afrique Education : Comment ?
Cela passe par l’actualisation de la carte judiciaire. Les deux plus grandes villes ont plus d’un million d’habitants, respectivement. Je trouve opportun de créer deux grandes circonscriptions judiciaires dans chacune d’elles. Ainsi, par exemple, Brazzaville, qui est bien divisée en deux par le boulevard Denis Sassou Nguesso, aura deux cours d’Appel et deux tribunaux de grande instance pour mieux desservir les deux côtés de la ville. La même logique est valable pour Pointe-Noire en prenant l’avenue Charles de Gaulle comme ligne de partage. Somme toute, le volume du contentieux que gèrent les juridictions dans ces deux villes, justifie qu’on ait, au moins, une Cour d’Appel pour cinq cent mille habitants. Un tel désengorgement laissera plus de temps aux magistrats pour rendre des décisions dans la sérénité. La qualité des décisions s’en trouvera améliorée. Mes propositions sont concrètes.
Afrique Education : Comment financer cette réforme ambitieuse de la justice quand le prix du baril de pétrole n’a pas fini de descendre ?
En revenant sur terre dans nos pratiques de dépenses publiques. En 1997, le budget de l’Etat était aux alentours de quatre cents milliards de F CFA. En 2010-2011 il était passé à plus de quatre mille milliards de F CFA, donc, une multiplication par plus de dix ; soit, une croissance de plus de 1.000%. La population, qui était à plus de trois millions d’habitants est maintenant aux environs de quatre millions cinq cent mille ; soit, une croissance démographique autour de 50%, seulement. Ceci signifie que la croissance de nos dépenses publiques est artificielle. Nous pouvons faire un autre choix. Les économies financeront les réformes, qui soutiendront la création des richesses dans un environnement sain.
Afrique Education : 1997 renvoie à la période où vous étiez Ministre et Directrice de cabinet auprès du président, Pascal Lissouba. Le Président, Sassou Nguesso, lui aussi, vous a fait confiance, vous avez été son ministre du Commerce. Est-ce que vous parlerez, de lui, de la même façon, un jour ?
C’est mon privilège d’avoir servi deux présidents de la République au gouvernement, mais, je n’en tire aucune gloire. En effet, tout avait commencé avec le président, Pascal Lissouba, dont j’étais la principale collaboratrice en 1990. A partir de 1992, je dirigeais son cabinet à la présidence de la République ; cela m’ouvrait une vue sur la comptabilité du partenariat qui le liait au président, Sassou Nguesso. Il y a eu la discorde, la guerre de 1997, puis, la réconciliation nationale. En 2009, je suis devenue ministre du Commerce et des Approvisionnements du président, Sassou Nguesso. Il m’a, toujours, soutenue dans l’exercice de la mission qu’il m’avait confiée. En 2015, le débat sur la constitution nous a opposés, comme cela est normal, en démocratie. Le moment venu, j’écrirai mes mémoires en toute honnêteté. Si cela peut vous rassurer, il n’y aura pas de pages blanches. Pour l’instant, je vais m’occuper de convaincre mes compatriotes de m’élire présidente de la République.
Afrique Education : Je vous remercie.
Propos recueillis à Brazzaville par
Jordier Nkouka