Qui a dit que le dictateur n’avait pas peur ? Denis Sassou Nguesso est, tellement, effrayé à l’idée de perdre les élections qu’il a perdu le sommeil. A mesure que l’échéance du 20 mars arrive à grands pas, il voit l’étau se resserrer sur lui. Pourtant, il a mis, énormément, d’argent dans sa campagne (on parle de 27 milliards de F CFA pour acheter les gadgets électoraux, distribuer les billets de banque afin de s’assurer du vote de certains électeurs, acheter des consciences, etc.), mais rien n’y fait. C’est comme un comateux qui refuse de revenir à la vie malgré le plateau technique de haut niveau pour assurer sa guérison aux côtés des sommités de médecine. Regardez la télévision publique, Télé Congo : à longueur de journée, elle ne fait que diffuser des spots de campagne du seul candidat Sassou, comme s’il n’y avait que lui pendant cette élection. N’est-ce pas l’attitude de quelqu’un qui sentant la fin proche, fait le tout pour le tout pour rester vivant ?
Mais il y a plus grave : ne pronostiquant pas bien le lendemain de l’élection, il fait partir, à l’étranger, de façon discrète, plusieurs membres de sa famille, depuis plusieurs jours. Les pays destinataires des membres de la grande famille Nguesso sont, dans le désordre, le Gabon, la France, le Maroc, le Canada, les Etats-Unis, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Espagne et le Portugal. Autant dire que pas grand monde ne sera sur place, au Congo, le 20 courant. Si le dictateur était serein, pourquoi laisserait-il sa famille quitter, précipitamment, le Congo, quitte à y revenir après le 20 mars ?
L’opposition s’est préparée à contrecarrer ses fraudes. Dans un premier temps, Sassou avait préparé un passage en force, le 20 mars, avec une CENI (aux ordres) qui le déclarerait vainqueur de l’élection avec près de 60% des voix. Malheureusement, pour le dictateur, entre temps, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. L’opposition, voyant la fraude industrielle qui arrivait, s’est constituée sa CENI propre, celle du pouvoir dirigée par Mbouka, étant truffée de membres du PCT et de la famille présidentielle, et totalement aux ordres du pouvoir. Les deux CENI, celle qui est officielle et légale et l’autre qui est parallèle, vont se surveiller étroitement. Objectif : limiter les fraudes à défaut de les enrayer totalement. L’enjeu consiste, maintenant, dans la capacité de Charles Bowao à pouvoir mettre, au moins, deux ou trois représentants de l’opposition, dans chacun des 5.000 bureaux de vote (sauf dans les bureaux fictifs qui existent dans des maisons de certains dignitaires) afin de surveiller le déroulement du vote, aux côtés des « agents » de la CENI officielle. Tout ce remue-ménage (très très suivi à l’international) inquiète beaucoup Sassou, qui soupçonne, déjà, un coup fourré de l’impérialisme occidental.
D’autre part, le vote au Congo étant ethnique (qu’on le veuille ou pas), son ethnie mbochi, très minoritaire, ne fait, vraiment, pas le poids, hormis le fait que Sassou n’est pas seul à draguer les électeurs du Nord du Congo : à côté de lui, il y a l’increvable, André Okombi Salissa (qu’il n’a pas pu mettre en prison malgré ses manœuvres comme le colonel, Marcel Ntsourou), et le général Jean Marie Michel Mokoko, qui est un gros caillou dans la chaussure du dictateur. Ces deux-là sont en train de tellement lui rendre la vie difficile, dans le Nord, qu’il a, déjà, à plusieurs reprises, fait avorter certains de leurs meetings, en ordonnant l’immobilisation de leur avion de campagne à Brazzaville. Qui a dit que Sassou était un mauvais joueur ?
Oui, Sassou a déjà échoué dans son plan de passer en force dès le premier tour, le 20 mars prochain. L’enjeu, maintenant, c’est qu’il soit 3e, 4e, voire, 5e de cette élection. Et ceci n’est pas une hypothèse d’école dans la mesure où dans Brazzaville, le Kouilou et le Nibolek, départements les plus peuplés du pays, les électeurs n’ont les regards que pour les fils de ces contrées, à savoir, Guy Brice Parfait Kolelas, Pascal Tsaty Mabiala et la seule femme candidate à cette présidentielle, Claudine Munari (notre photo). Très intelligente et assez futée, cette dernière avait convaincu ses camarades de l’opposition de signer une charte qui favoriserait le ralliement au second tour des autres candidats pour assurer, facilement, la victoire du candidat de leur camp politique. C’est en quelque sorte un rassemblement des partisans de la rupture. Cette charte risque de (beaucoup) servir car la victoire dès le premier tour, malgré le fait que Sassou en a fait une chanson sur Télé Congo, est (totalement) exclue. Mathématiquement impossible. Sociologiquement inenvisageable.
Sassou a envoyé son nouveau ministre des Affaires étrangères, Jean Claude Gakosso, draguer Juncker et Mogherini, à Bruxelles, afin qu’ils envoient des observateurs « couvrir » sa fraude. Il a essuyé un refus poli mais sec des Européens. En ce qui concerne les Américains, personne ne viendra du côté de Oncle Sam : les Américains préfèrent laisser Sassou avec sa conscience de tricheur.
Restait l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Il y a deux ans, les deux parties (OIF et Congo) avaient négocié différents aspects du processus à corriger avant cette présidentielle. Malgré l’insistance de la Canadienne, Michaelle Jean, Sassou était resté de marbre. Ce qui ne l’a pas empêché de solliciter une mission d’observateurs de l’OIF, pour superviser cette présidentielle. Par politesse, Michaelle Jean lui a envoyé celui qui devait en être le chef, l’ancien président de transition burkinabé, Michel Kafando, lui dire que l’OIF déclinait sa responsabilité devant les troubles qui pourraient survenir du fait de la volonté du pouvoir de Brazzaville de n’en faire qu’à sa tête. Venue, donc, il y a deux jours, cette mission de l’OIF de trois personnes devrait quitter Brazzaville demain, c’est-à-dire, trois jours, avant l’élection. Sassou est fou de rage devant un tel abandon de ceux qui auraient pu cautionner sa fraude massive. Il se sent seul.
La campagne bat son plein et Sassou, même sur le plan des idées et des stratégies, est contrecarrée par tous les candidats. La stratégie qui consiste à « Coller le dictateur » marche à plein. Il en est malade et fait feu de tout bois. La preuve : voyant comment Claudine Munari (dont il ne veut pas qu’on parle sur Télé Congo) monte en force et suscite beaucoup d’intérêt chez les jeunes et, surtout, chez les femmes qui se sentent représentées par elle, il a, dans la hâte, illico presto, désigné des députées PCF femmes pour organiser des marches de soutien (à coups de billets de banque), afin de montrer que lui, aussi, Sassou, intéresse l’électorat féminin. Même pas honte !
Les femmes ont vu Sassou à l’oeuvre pendant 32 ans. S’il pouvait faire quelque chose pour elles, il l’aurait déjà fait. Le temps de Sassou est derrière lui. Maintenant, la chance va être donnée à la seule femme candidate de cette élection, Claudine Munari, afin qu’elle montre de quoi la femme congolaise est capable, comment la femme congolaise peut savoir manager les hommes afin que l’union des deux sexes fasse gagner le Congo. C’est le challenge de Munari. Les femmes congolaises ont compris ce message. Voilà pourquoi elles la soutiennent massivement.
On ne dira jamais assez aux femmes qu’une femme candidate à la présidentielle, au Congo, avec de fortes chances d’aller au second tour comme Claudine Munari, est une possibilité qui se réalise en l’espace d’une génération, et, donc, ce n’est pas demain la veille qu’une telle occasion se présentera, à nouveau, aux femmes congolaises. C’est aussi une raison de plus, pour voter Claudine Munari sans réfléchir (quand on est femme et quand on est un jeune chômeur ou diplômé sans emploi), car c’est la seule façon de chercher la réponse à ses multiples problèmes.