Le miracle attendu par Martin Fayulu et ses amis, n’a pas eu lieu. La Cour constitutionnelle congolaise a proclamé, dimanche, 20 janvier, Félix Tshisekedi, président de la République. Martin Fayulu, dont le recours a été rejeté, appelle à « ne pas reconnaître un pouvoir qui n’a ni légitimité ni qualité légale ». C’est une rhétorique qu’on a souvent entendu ailleurs, en Afrique, et qui ne peut déboucher sur rien. Martin Fayulu doit se comporter en homme d’Etat et prendre date pour l’avenir : vainqueur selon les décomptes de la CENCO (Conférence épiscopale nationale congolaise) et des observateurs neutres, et non par ceux de la CENI qui est l’organe officiel des élections, il doit appeler à la paix et accepter la main tendue de Félix Tshisekedi. Tous deux étant issus de l’opposition, il leur appartient de mettre de côté leurs égos personnels et trouver un terrain d’entente pour travailler ensemble à l’avancement de la RDCongo.
La Cour constitutionnelle a officiellement proclamé, dans la nuit de samedi 19 à dimanche 20 janvier, Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo (RD Congo), après avoir rejeté le recours de l’autre opposant, Martin Fayulu.
La Cour « proclame élu à la majorité simple président de la République démocratique du Congo Félix Tshilombo Tshisekedi », a déclaré le président de l’institution, Benoît Lwambwa Bindu.
Par cette annonce, Félix Tshisekedi devient le cinquième président de la République démocratique du Congo depuis l’indépendance le 30 juin 1960. Il doit prendre la succession du chef de l’Etat sortant, Joseph Kabila, au pouvoir depuis l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, il y a 18 ans, le 16 janvier 2001.
L’élection de Félix Tshisekedi est, cependant, contestée par l’autre opposant, Martin Fayulu. « Je me considère désormais comme le seul président légitime de la République démocratique du Congo », a-t-il déclaré juste après le rejet de son recours : « Dès lors, je demande au peuple congolais de ne pas reconnaître tout individu qui se prévaudrait illégitimement de cette qualité, ni obéir aux ordres qui émaneraient de lui », a-t-il lancé, revendiquant la victoire avec 60 % des voix. « Je demande par ailleurs à l’ensemble de la communauté internationale de ne pas reconnaître un pouvoir qui n’a ni légitimité ni qualité légale pour représenter le peuple congolais », a-t-il ajouté.
Martin Fayulu appelle les Congolais à organiser « des manifestations pacifiques sur toute l’étendue du territoire national » pour protester contre la décision de la Cour constitutionnelle. « Ce n’est ni plus ni moins qu’un coup d’état constitutionnel car il porte à la magistrature suprême un non-élu », a-t-il insisté.
« Par cet arrêt, la Cour constitutionnelle vient une fois de plus de confirmer qu’à l’instar de la Commission électorale, elle est au service d’un individu et d’un régime dictatorial qui ne respecte ni les lois de la République ni les règles les plus élémentaires de la démocratie et de la morale », a-t-il dit, visant le président sortant Joseph Kabila.
La Cour a validé tels quels les résultats provisoires annoncés le 10 janvier par la Commission électorale (CENI). La plus haute juridiction du pays a rejeté le recours de Martin Fayulu contre le résultat de la présidentielle du 30 décembre, en le considérant comme « non fondé ». Dans son arrêt, la Cour a estimé que Martin Fayulu n’avait « pas apporté la preuve » que les résultats de la CENI n’étaient pas conformes à la réalité.
La décision des neuf juges est sans surprise, car ils sont largement considérés comme étant acquis au président Kabila. Ils se sont toutefois montrés étonnamment sévères envers la demande de Martin Fayulu d’un recomptage des voix, qualifié d' »imprécise et absurde ».
A l’annonce de la décision, des partisans de Félix Tshisekedi se sont réunis dans les rues de la capitale Kinshasa pour célébrer la victoire du candidat de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).
« Nous sommes heureux que la voix du peuple congolais ait pu être entendue et qu’une passation démocratique et pacifique puisse avoir lieu », a déclaré un porte-parole de Félix Tshisekedi, fils du chef de file historique de l’opposition en RD Congo, Etienne Tshisekedi.
Le calendrier de la CENI prévoit normalement que Félix Tshisekedi prête serment le 22 janvier. Mais, en confirmant Félix Tshisekedi, la Cour constitutionnelle a pris le risque de provoquer un bras-de-fer entre le pouvoir congolais et l’Union africaine (UA).
Elle a décidé de passer outre aux injonctions des poids lourds de l’UA, qui avaient appelé, jeudi, 17 janvier, à Addis Abeba, à la « suspension » de la proclamation des résultats définitifs, parce qu’ils considéraient que ceux annoncés par la CENI étaient entachés de « doutes sérieux ».
Cette prise de position de l’organisation continentale avait été dénoncée par le gouvernement et par les partisans de Félix Tshisekedi comme une atteinte à la souveraineté de la RD Congo. Il reste maintenant à voir quelle sera l’attitude de l’UA, qui a annoncé l’envoi, lundi, 21 janvier, à Kinshasa, d’une délégation de haut niveau conduite par le président de sa Commission, le Tchadien, Moussa Faki Mahamat, et par son président en exercice, le chef de l’Etat rwandais, Paul Kagame. D’autres chefs d’Etat pourraient, aussi, faire partie de cette délégation.
Mais, tout compte fait, ce sera une mission pour rien. Car la RDCongo ne se déjugera pas. Ses institutions ont proclamé les résultats qui ne seront pas remis en question par l’UA. Cette dernière ne pourra que prêcher en faveur de la paix et de l’union, en encourageant le nouveau président à tendre la main, non seulement, à Martin Fayulu (à qui elle demandera de la modération dans ses déclarations à venir), mais aussi, au pouvoir du sortant, Joseph Kabila, dont le parti a obtenu plus de la majorité des députés de l’Assemblée nationale, ce qui veut dire que le prochain premier ministre devrait être désigné dans ses rangs.
La situation n’est, donc, pas facile pour Félix Tshisekedi car il fera confronté à une cohabitation de fait. Et c’est à ce niveau que la mission de l’UA aura un rôle à jouer car les défis auxquels la RDCongo est confronté, demandent la conjugaison de toutes les forces vives du pays.