Avec tout le respect que votre site quotidien préféré, afriqueeducation.com doit aux opposants tchadiens, la question reste posée : ont-ils jeté le réalisme qui devrait les caractériser dans le lac Tchad pour croire un seul instant qu’ils avaient une chance infinitésimale de battre leur président de dictateur ? Que les Saleh Kebzabo, Ngali Ngoté et autres aient voulu mesurer leur popularité pendant les meetings, est une chose. Mais de là à croire que, parce qu’ils sont partis à plusieurs (12), pour affronter l’ogre de N’Djamena, chacun dans son fief électoral et natal, serait suffisant pour circonscrire la fraude, c’était considérer que Déby, après s’être débarrassé de sa peur, est, enfin, prêt pour affronter son prédécesseur, Hissène Habré, devant les tribunaux de Dakar. Cela sera possible quand le coq aura les dents.
L’autre grand chef de l’opposition, Ngarlejy Yorongar, qui n’a pas pu concourir, la CENI (Commission électorale nationale indépendante) ayant, tout simplement, choisi d’invalider son dossier, de crainte d’énerver Déby Itno, a, au moins, pu faire des économies qui serviront, sans doute, aux législatives.
C’est triste de le dire mais le Tchad va entrer, à son tour, en crise, maintenant que Déby Itno est passé en force, comme on le pronostiquait, pour un cinquième mandat qui risque d’être des plus difficiles pour lui.
D’abord, sur le plan de la santé : ses nombreux séjours à l’hôpital américain de Neuilly qui ont eu à s’accélérer, ces derniers temps, vont subir l’effet de la contestation politique et sociale des opposants et des syndicalistes tchadiens. Ayant refusé de suivre l’avis de ses médecins d’abandonner la cigarette et l’alcool, comme tout bon musulman qui ne se respecte pas, Déby Itno va inscrire le Tchad sur la short list des pays d’Afrique centrale fâchés avec la démocratie, que sont le Burundi de Pierre Nkurunziza et le Congo-Brazzaville de Denis Sassou Nguesso, surnommé, là bas, « Monsieur 8% ».
En attendant le Gabon, fin août prochain, où la présidentielle risque de très mal se passer, la CEMAC pourrait, rapidement, devenir championne toute catégorie de la mauvaise pratique de la démocratie du continent africain.
Même s’il compte bénéficier du soutien de son lobby militaire parisien, Déby ne va pas s’en tirer à si bon compte. Il va être sur la sellette comme le dictateur de Brazzaville, déjà, isolé sur la scène internationale. A titre d’exemple, le petit Burundais ne sort plus de Bujumbura depuis juillet 2015. Aucun chef d’Etat ne lui a rendu visite non plus. Voilà où a mené sa « victoire ».
Pour le moment, le calme règne à N’Djaména où Déby Itno (c’est dans ses habitudes) aurait zigouillé ou fait disparaître plusieurs dizaines de militaires (on parle d’une soixantaine au moins) juste parce qu’ils ont refusé de voter pour lui. Assis sur un pouvoir sans partage, depuis 26 ans, il entame, ainsi, sur les braises, un cinquième mandat que le peuple lui a refusé, bien que sa CENI lui ait attribué 61,56% des voix et seulement 12,80% à Saleh Kebzabo, sorti deuxième.
Un groupe de huit candidats opposants, qui l’accuse depuis plusieurs jours de fraudes et a envisagé la constitution « d’un gouvernement de salut public », était en réunion, au moment où nous mettions cet article en ligne.
Les résultats provisoires du scrutin doivent être avalisés dans un délai de 15 jours par le Conseil constitutionnel. Mais il n’y a rien à en attendre car le Conseil constitutionnel est aux ordres.
Plus de six millions d’électeurs étaient inscrits et le taux de participation a été de 71,11 %.
Au total, 13 candidats se présentaient à cette élection dont Idriss Deby, qui disposait des structures d’Etat et des moyens financiers, nettement, supérieurs à ceux de tous ses adversaires réunis.
Cela dit, la bonne opération est celle du troisième, Laokein Kourayo Medar, maire de Moundou, capitale économique située dans le Sud, qui remporte 10,69 % des suffrages pour sa première participation à la présidentielle. S’il est crédité d’une bonne gestion de sa ville, il a, surtout, bénéficié de l’absence dans la course de Ngarlejy Yorongar.
L’élection de Deby intervient au moment où plusieurs administrations, hôpitaux, écoles et universités sont en grève depuis de longues semaines : pour des arriérés de salaires, de bourses, et des mauvaises conditions de travail.
A cette tension sociale, s’ajoute la menace d’attentats par les islamistes du groupe nigérian Boko Haram, qui ont frappé deux fois N’Djamena, en 2015, et qui légitime d’autant plus l’imposant déploiement sécuritaire d’un régime guerrier qui, en 26 ans de pouvoir, s’est maintenu par les armes.
Malgré la manne pétrolière qui coule en abondance, depuis 2003, le Tchad est classé par l’ONU parmi les cinq pays les plus pauvres au monde. 70% de ses 13 millions d’habitants sont analphabètes. Quand l’argent du pétrole tchadien n’achète pas les armes (qui permettent à Déby de se maintenir au pouvoir soit par le canal de la dictature intérieure ou par l’envoi de ses militaires sur les terrains extérieurs : Centrafrique, Mali, Nigeria, etc.), il est tout simplement détourné par les deux clans de sa famille qui minent le pays avec leur corruption, le clan des Itno (celui de Déby) et le clan de Hinda (notre photo) du nom de sa quatorzième femme (la quinzième est soudanaise et habite Khartoum pour ne pas faire de l’ombre à Hinda) qui fait office de première dame depuis que le dictateur a relégué Wazi Wazina aux oubliettes.