Mathieu Kérékou est le candidat du professeur Albert Tévoédjrè. Eminence grise de son équipe de campagne, il définit, ici, les grandes lignes du programme de son candidat.
Afrique Education : Monsieur le professeur Albert Tévoédjrè, vous avez présidé le Comité de soutien à la candidature de Mathieu Kérékou en 1996. Vous êtes encore à ses côtés en 2001. Pour quelles raisons ?
Albert Tévoédjrè : Tout simplement parce que j’ai travaillé avec le président Mathieu Kérékou au sein du gouvernement. J’ai été chargé d’un département important, le département du Plan et de la Restructuration économique et de la Promotion de l’emploi. A ce poste, j’ai pu réaliser un certain nombre d’actions qui me paraissent importantes avec le concours du président de la république, j’ai terminé ce travail après 3 ans au gouvernement dans les meilleures conditions possibles, je suis parti volontairement prendre une fonction internationale de coordinateur du projet « Millénaire pour l’Afrique », toujours avec l’appui du gouvernement et du président de la république, bien sûr tout n’a pas été réalisé comme on le voulait, mais nous avons fait le maximum qu’on a pu, et donc je n’ai pas de raisons, après avoir travaillé, ainsi, avec le président de la république, de me tenir, aujourd’hui, à l’écart de ce qui se réalise, se réalisera. Par conséquent, l’expérience que j’ai eue du travail commun demande qu’on puisse poursuivre ce travail en l’améliorant sur ce qui doit l’être, en changeant ce qui peut être changé, mais en donnant aux béninoises et aux béninois l’espoir que demain sera la poursuite de tout ce qui a été bien fait et l’absence de ce que par critique et auto-critique, nous devons faire évoluer.
Quels sont les acquis que vous laissez à vos compatriotes à l’issue de ce mandat qui s’achève ?
Il y a beaucoup d’acquis que les béninois sont appelés à revoir et à apprécier. Selon moi, sauf imprévu, dès le 1er tour, il y aura une grande différence entre les candidats. Parce que les béninoises et les béninois ont remarqué que dans le domaine de l’emploi et du développement social, un effort gigantesque a été opéré en créant le programme, par exemple, de l’enseignement de langue anglaise dans les pays voisins pour favoriser l’intégration régionale, en lançant l’idée du développement communautaire qui permet d’avoir dans tous les villages ce que nous appellons « le minimum social commun » et qui a permis d’avoir aujourd’hui des unités comme l’hôtel de développement et qui a largement contribué à faciliter l’insertion des jeunes. Nous avons contribué en appuyant les artisans à ce qu’ils aient des moyens d’avancer dans leur emploi et par conséquent, je pense également que tout ce qui a été fait dans les travaux plus importants : la route Cotonou-Porto Novo, la route Sa , etc., permet aux béninoises et aux béninois sans que l’on fasse une campagne tapageuse, de constater que leur vie a changé et que des promesses sérieuses ont été réalisées.
Par exemple, à Porto Novo, la capitale politique du Bénin, le changement est perceptible et je suis sûr que dans cette région-là, sans qu’on fasse – encore une fois – une campagne de « lynchage » médiatique, les populations voteront massivement Mathieu Kérékou. Voilà des réalisations. Bien sûr, dans notre pays où nous avons aussi la grande pauvreté – la plupart des jeunes n’ont pas encore du travail – il y a encore beaucoup à faire. Mais ne regardons pas ce qui n’a pas été fait seulement. Jetons aussi un coup d’oeil sur les efforts qui ont été accomplis, regardons la volonté de poursuivre notre effort de développement avec tous, regardons notre volonté de n’exclure personne et nous verrons que de tous les candidats, Mathieu Kérékou est encore celui sur qui on fonde beaucoup d’espoir.
Quels sont les enjeux réels de cette présidentielle ? Il parait qu’elle n’est pas la même que celle de 1996.
Bien sûr, aucune élection n’est tout à fait semblable à la précédente. Cette élection de 2001 n’est pas la même, d’abord parce qu’elle se situe dans un contexte régional différent. Quel est ce contexte régional ? Regardez un peu autour de nous et je prends le cas de la Côte d’Ivoire, du Nigéria, du Niger, etc… et plus largement, de l’Afrique centrale, tout ceci pour dire que le Bénin est un pays particulier qu’il faut tenter de préserver dans sa singularité heureuse. C’est un pays où nous voulons ne pas exclure. La philosophie et le concept d’exclusion, c’est porteur de tous les dangers. Au Bénin, on essaie de donner à chacun sa place, quelle que soit sa région, quelle que soit sa religion, quelles que soient ses particularités. Cette élection de 2001 va permettre – pour le candidat Mathieu Kérékou – de réaffirmer cette volonté béninoise d’associer l’ensemble de la nation, l’ensemble du pays, au développement du pays tout entier.
La deuxième particularité de cette élection, c’est l’impatience des jeunes. Les jeunes veulent de plus en plus – et c’est légitime et normal – prendre la relève. Mais il faut que ces jeunes acceptent de se préparer et de montrer à la population qu’ils sont en mesure de relever le défi du développement.
On peut être vieux et mauvais et méchant. On peut être jeune et pire qu’un vieux. Par conséquent, ce n’est pas une question d’âge, c’est une question de volonté. Oui, cette élection de 2001 nous permet de mettre à l’épreuve comme directeur de campagne, directeur-adjoint de campagne, responsables à des niveaux différents, des jeunes qui acceptent aujourd’hui – et c’est surprenant – de choisir parmi les candidats, celui qui leur permet d’assurer le plus la relève demain. Il semble que pour eux, ce soit Mathieu Kérékou. Dans ces conditions, refus de l’exclusion, volonté de relève par une jeunesse formée, cela permet de dire : « mieux vaut aller de ce côté-là ».
Que proposez-vous à cette jeunesse et de manière générale, aux béninoises et aux béninois qui vont voter Mathieu Kérékou ?
Mathieu Kérékou propose aux béninoises et aux béninois la volonté farouche de se développer. « On ne développe pas un pays. Un pays se développe », a dit notre frère Joseph Ki-Zerbo (historien et homme politique burkinabè très célèbre – ndlr) et c’est vrai. Je pense que ce ne sont pas les milliards de l’extérieur qu’il faut rechercher. Bien sûr, ça aide. Bien sûr, si nous avons une coopération qui nous permet d’avoir des moyens d’investissements, il faut aller de ce côté-là. Mais les milliards sont dans notre pays… Par conséquent, c’est la volonté des béninoises et des béninois de se prendre en charge qui fera le développement du Bénin.
Le Bénin n’est pas heureux d’être un pays parmi les moins avancés (Pma). Ce n’est pas bon. Il faut que le Bénin sorte de cette catégorie de pays. Mathieu Kérékou propose aux béninoises et aux béninois qu’avec une jeunesse déterminée, avec un programme de gouvernement encore plus hardi (audacieux), avec la volonté de tous de sortir du sous-développement, nous franchissions très vite la catégorie des pays à revenus intermédiaires. Cela, c’est l’horizon. Pour y aller, il y a l’unité de la nation, il y a l’éducation, il y a la formation, il y a l’emploi des jeunes, il y a l’auto-emploi des jeunes, il y a aussi de faire en sorte que la santé de la population permette d’avoir des ressources humaines utiles, utilisables et par conséquent, tout ce travail qui se fait aujourd’hui pour l’élimination du sida, tout ce qui empêche la ressource humaine d’être une ressource utilisable pour le développement, c’est cela aussi la priorité des béninois. Il faudra y contribuer et je suis sûr que les prochaines années permettront d’aller dans le sens de ce progrès-là.
Etes-vous optimiste pour cette présidentielle ?
Je pense que sans un tapage médiatique excessif, compte tenu de ce que je constate sur le terrain à partir des observations que je fais, les propositions des uns et des autres, l’acceptation de ces propositions, je serais surpris que Mathieu Kérékou ne continue pas. La constitution dit qu’à 70 ans, après deux mandats, il faut passer la main. Son rôle aujourd’hui, c’est d’aider à passer la main dans les meilleures conditions possibles, après avoir fait un travail acceptable, accepté, reconnu et pouvant ouvrir la voie vers un avenir de progrès.
Propos recueillis par Jean-Paul Tédga