D’abord, pas la France. Elle nous a longtemps colonisés. A pillé nos richesses, fragilisé nos ancêtres qui nous ont quittés par le travail forcé qu’elle leur avait imposé. Elle nous a appauvris et n’a laissé aucune trace visible, digne de la France sur nos terres millénaires.
A la décolonisation, dans les années 60, nous avions rêvé, estimant que la France serait notre allié majeur. Nous avons signé des accords de coopération dans plusieurs domaines dont militaire, avec elle. Nous en sommes sortis perdants.
Aucune usine française, au sens plein du terme, n’a pignon sur rue, ni dans nos campagnes, ni dans nos villes principales. Et pourtant, la France et d’autres concurrents occidentaux pompent notre pétrole, en mer, détruisent nos forêts. Ceux des nôtres qui ont des ressources, enrichissent leurs espaces bancaires, louent leurs avions, acquirent des patrimoines dans leurs villes.
Avec la révolution des 13, 14, et 15 août 1963, nous nous sommes rebellés contre elle, cette France, pour nous retourner vers la Chine populaire et les pays de l’Est. M. Charles David Ganao, le ministre des Affaires étrangères du président, Alphonse Massamba-Débat, se retournera ce jour dans sa tombe, lorsque j’aurai dit qu’il aura prononcé, le discours africain le plus brillant de la première moitié du XX ème siècle, en déclarant solennellement, à la tribune des Nations-Unies, la reconnaissance de la Chine populaire par la République du Congo. Une audace à l’époque a fait froid au dos.
De l’URSS, des autres pays de l’Est, de la Chine, nous n’avons, ni dans nos campagnes, ni dans nos villes, une unité de production, avec plus-value locale, où des centaines de Congolais travaillent, bénéficient des droits de protection sociale et contribuent à alléger les souffrances de nos parents.
Donc, jusque-là, ce n’est ni la France, ni la Chine ni les Pays de l’Est, encore moins, les USA qui pourraient développer notre pays. L’éclatement de l’URSS nous est passé sous le nez. La Fédération de la Russie s’est davantage préoccupée de son installation et de la remise en ordre de ses affaires intérieures.
Je dis, détrompons-nous. Parce que ces derniers temps, une nouvelle logique politique emballe les dirigeants et les populations africaines. Des drapeaux russes flottent dans les manifestations populaires. Le Groupe Wagner semble apparaître, dans la conscience collective de certains peuples et même dans les calculs des présidents africains comme, d’une part, la force de frappe pouvant mettre hors d’état de nuire les contestations d’opposition pour les changements politiques dans les pays. De l’autre, l’outil nécessaire, par sa milice, pour protéger et accompagner les prétentions de maintien de longue durée au pouvoir.
Je dis détrompons-nous. Ce ne sera ni la France, ni la Chine, ni la Russie, encore moins, le Groupe Wagner qui sauvera les peuples africains de leurs souffrances ou calmera l’ardeur des djihadistes dans le Sahel.
Je dis, détrompons-nous. Ce sera plutôt nous-mêmes. Nous-mêmes, peuples africains, par notre intelligence collective, notre détermination, notre sens de responsabilité et notre rapport au progrès.
Nous-mêmes, ces dirigeants, véritables représentants des peuples, au pouvoir, pour construire les projets nationaux et tourner le dos à la gestion clanique et artisanale du pouvoir, à toutes ces autres basses attitudes qui tirent nos pays vers le bas et les infantilisent devant l’Occident, la Russie et la Chine.
Qu’en Afrique, chaque crise militaire ou civil et chaque fin de mandat légal, qui débouche sur des signaux de contestation trouvent la solution dans des Etats Généraux de la nation, sans exclusive, pour une solution politique apaisée, aux fins de marcher ensemble sur les plates-bandes d’une autre manière de gouverner.
En tout cas, détrompons-nous.
Ce n’est pas eux. Ce sera nous-mêmes.
Ouabari Mariotti
est Ancien Garde des Sceaux du professeur Pascal Lissouba.