Quand il verra Macky Sall, le chef de l’Etat sénégalais (qui vient admirablement de refuser un troisième mandat que voulaient lui imposer sa majorité et ses amis politiques), il lui donnera du « Tu – Mon ami » et même de « Mon Frère ». Voilà que pour la deuxième fois, il n’a pas une seconde, hésité, à l’humilier. Deux fois de suite, il a porté ses choix sur deux Sénégalais-Français (qu’on appelle au Sénégal SENEF) et deux fois, il les a jetés, sans aucun soutien, dès la première bourrasque alors même que les postes qu’il leur confie au gouvernement sont des plus exposés.
La première victime de l’inconstance d’Emmanuel Macron (un coup à gauche un coup à droite), c’est un de ses fidèles soutiens de la première heure, Sibeth Ndiaye. Nommée porte-parole du gouvernement en 2017, à la surprise agréable de l’opinion, elle a progressivement commencé à être lynchée par la France raciste, qui ne tolérait pas qu’une Noire, de surcroît d’origine africaine, vienne, tous les mercredis, leur déballer les contenus des conseils des ministres. Au lieu de l’écouter, on cherchait dans ses mots et ses expressions là on pouvait la piéger. Reprises en boucle, très souvent, par les chaînes d’information continue dont au moins une appartient à un homme d’affaire connu comme étant raciste alors que ce sont justement les Négro-Africains qui l’ont rendu riche, ces polémiques successives ont fini par faire fléchir le président. Au lieu de soutenir cette idée de la France qu’il avait voulu partager, il a battu en retraite en la remplaçant par Gabriel Attal, un Blanc bon teint. Et du jour au lendemain, toute critique cessa alors que ce dernier n’était pas un porte-parole extraordinaire. Depuis, Sibeth Ndiaye est passée aux oubliettes. Macron se souvient-il encore d’elle ? Le chef de l’Elysée doit savoir qu’au Sénégal, en Afrique, et au sein de la communauté africaine de France (qui fait plus de six millions de votants), on aime, toujours, et encore Sibeth Ndiaye.
Comme si cela ne suffisait pas, voilà encore le même jeune président qui récidive en ciblant un autre SENEF. Afrique Education avait, pourtant, applaudi quand il nomma Pap Ndiaye ministre de l’Education nationale. Mais Macron n’est pas François Hollande qui avait, complètement, ignoré les attaques des racistes quand il confia le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de 2014 à 2017 à Najat Vallaud-Belkacem, Marocaine et Française de son état. On peut tout dire de François Hollande, mais, lui au moins, fait de la politique et Najat Vallaud-Belkacem est restée à son poste jusqu’à la fin du mandat de François Hollande.
Pap Ndiaye, lui, a été, cruellement, lâché par Emmanuel Macron et Elisabeth Borne. Une lâcheté suprême car ce ministre n’a pas démérité. Il a bien conduit les épreuves du Bac 2023 jusqu’à son terme, et avait commencé à mettre en place les réformes pour la rentrée de septembre. Mais, il y a que dans ce ministère (où chaque parent se prend pour le ministre), accepter que les choses bougent, n’est pas évident, même quand on voit que le ministre essaie de les faire avancer. D’autant qu’il était à l’écoute des syndicats et travaillait main dans la main avec eux pour résoudre le problème de la pénurie des enseignants, de la révalorisation du métier, et bien d’autres problèmes. Mais l’épineux problème est celui du manque des moyens. Avec un endettement de 115% du PIB, la France a-t-elle des marges budgétaires pour lancer un Plan Marshall à l’éducation nationale dont Pap Ndiaye aurait souhaité de tous ses vœux ? Honneur à lui car pour nous autres parents qui savons juger avec une moindre objectivité, il n’a pas démérité. Ce ministère exige des moyens colossaux et une certaine durée pour mettre en place des réformes et les suivre. Si les racistes pensent qu’un Noir ne doit pas éduquer leurs enfants, ça les regarde, mais Gabriel Attal, devenu ministre de l’Education, bien qu’après avoir tenu les comptes de la nation, n’inventera pas le fil à couper le beurre. Les problèmes de l’Education nationale en France sont connus de tous. Et Pap Ndiaye n’a eu ni le temps, ni l’écoute, ni les moyens pour les résoudre.
Il faut que l’humiliation des Noirs cesse en France. Le président de la République n’a pas besoin de mettre les Noirs dans son gouvernement, aujourd’hui, pour les débarquer demain à la moindre bourrasque.
Exemple à suivre : Didier Deschamps n’a pas peur de mettre parfois neuf Noirs sur les 11 entrants parce qu’il a peur des qu’en dira-t-on de la droite et de l’extrême-droite. Il le fait parce qu’il a transcendé le racisme et ne voit que le beau jeu des uns et des autres, qui permet à la France de gagner. C’est dommage que la composition du gouvernement français soit influencée par les vociférations des extrémistes de droite et de l’extrême-droite. Et que Macron succombe littéralement devant celles-ci. Cela n’honore nullement la politique.
Il appartient, désormais, aux SENEF de mobiliser les autres six millions de binationaux africains pour bien utiliser leur bulletin de vote, dès l’année prochaine et lors des prochaines échéances électorales. Car trop c’est trop !
Professeur Paul TEDGA
est docteur de l’Université de Paris 9 Dauphine (1988)
Auteur de sept ouvrages
Fondateur en France de la revue Afrique Education (1993)