ROBERT DUSSEY A NEW YORK : La leçon de chose du professeur à l’Assemblée Générale de l’ONU

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« L’Afrique ne veut plus s’aligner sur les grandes puissances quelles qu’elles soient ». Le rôle assigné à l’Afrique en ce 21ème siècle est évocateur de l’image qu’ont encore certaines puissances de notre continent : leur zone d’influence. L’Afrique n’a pratiquement aucun impact sur l’ordre mondial actuel alors qu’elle subit très drastiquement les conséquences des perturbations de la société internationale. Elle ne revêt un intérêt aux yeux de certaines puissances que lorsqu’elles se retrouvent en difficulté. Il faut se préoccuper de la place que l’Afrique occupe sur la scène du monde. Aujourd’hui, l’Afrique n’occupe pas la place qu’elle devrait tenir sur la scène internationale.

Si on pouvait donner une note au professeur, son évaluateur lui collerait un 19,5/20 car il a tout dit. Et qu’a-t-il déclaré pour qu’il obtienne la mention « Magnifique » devant le difficile jury d’Afrique Education ? Voici quelques extraits de son lénifiant discours face aux dictateurs de l’ordre international dont beaucoup l’ont écouté platement. Morceaux choisis :

« Pour de nombreuses puissances, le continent africain n’a pas de rôle à jouer en tant qu’acteur « majeur » au sens kantien du terme sur la scène internationale. Elles pensent habiter le même monde alors que le monde a profondément changé. Quand les Nations-Unies ont été créées en 1945, hormis le Libéria et l’Ethiopie, les pays d’Afrique n’étaient pas encore indépendants. Après 77 ans, c’est le même système international qui perdure du fait de la volonté des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité à savoir la Chine, les Etats-Unis, la Russie, la France et le Royaume Uni ».

« Bien que le projet d’intégration africaine soit toujours en chantier, un consensus s’était depuis dégagé entre les Etats africains au niveau de l’Union africaine rappelé lors de cette 77ème session par le président, Maky Sall, président du Sénégal et président de l’Union africaine sur la nécessité pour le continent d’obtenir deux places de représentants permanents au sein du Conseil de sécurité, en plus des deux places de membres non permanents réservées aux Etats africains. Malgré ce consensus général des quasi 54 Etats membres, les réticences de certains membres du « P5 » à voir l’Afrique occupée cette place ne font aucun doute. La voix de l’Afrique ne semble malheureusement pas être entendue, car certains ne veulent tout simplement pas que l’Afrique soit un continent fort ».

Le professeur, Robert Dussey, poursuit :

« Les grandes puissances veulent réduire l’Afrique à une entité purement instrumentale au service de leurs causes et ne veulent visiblement pas que le continent puisse jouer un rôle important, voire, un des rôles principaux dans le monde. Ils s’efforcent le plus souvent à amener les Africains à adhérer à leur « narratif » et, in fine, les Africains servent utilement à soutenir un camp contre un autre. Quand il s’agit de voter une résolution au Conseil de sécurité, nous sommes activement sollicités d’un côté comme de l’autre. L’Afrique est alors très courtisée, voire, même mise sous pression par certains de ses pays partenaires ».

« Ces états d’esprits et agissements qui relèvent d’une autre époque s’expriment dans un contexte historique où l’Afrique a pris conscience de sa responsabilité propre et parle de plus en plus d’une seule et même voix. Les fractures de l’époque coloniale entre une Afrique dite francophone, lusophone, arabophone et anglophone, se sont amenuisées, tout comme les idéologies post-guerre froides, qui ont dominé toute la deuxième partie du XXe siècle. Aujourd’hui, l’Afrique veut être elle -même, elle est « Africanophone » si vous le permettez ».

« L’Afrique actuelle n’est plus celle des années 1945, encore moins, des années 1960. Nous avons aujourd’hui en Afrique une multitude de nouveaux partenaires, qui font partie intégrante de la nouvelle géopolitique internationale bien loin des deux blocs antagonistes qui ont structuré le monde d’après-guerre du XXe siècle. Le monde s’est décentré pour devenir multipolaire. Pour paraphraser Blaise Pascal, le monde est devenu un tout dont le centre est à la fois partout et nulle part. Et l’Afrique ne peut et ne veut plus être les wagons d’une seule et même locomotive ».

Pour le chef de la diplomatie togolaise, « Beaucoup de pays africains ne se sentent plus aujourd’hui trop liés – au sens d’embrigadement – par l’histoire coloniale et se montrent très enthousiastes à travailler avec de nouveaux partenaires. L’ensemble de ces changements liés à l’Histoire elle-même dont l’essence est d’être « perpétuel devenir », mais aussi, à la volonté manifeste de changement de paradigme sur la scène de la coopération en Afrique devrait amener certaines puissances à un changement de logiciel si elles veulent continuer de travailler avec les Africains. Il y a un défi de changement de mentalité et de comportement chez nos partenaires, qui viennent chacun, sans exception, en Afrique, avec des agendas avant tout dictés par leurs propres intérêts ».

« L’Afrique attend à plus d’égalité, de respect, d’équité et de justice dans ses relations et partenariats avec le reste du monde, avec les grandes puissances quelles qu’elles soient. Aujourd’hui, les Africains veulent être de vrais partenaires du reste du monde ».

Le professeur, Dussey, souhaite que « Dans le concert des nations, il faut que l’Afrique soit écoutée pour que le dialogue ait un sens. Le déficit d’écoute pervertit le sens du dialogue qui se transforme en une juxtaposition de monologues et de raisons partiales, parfois, sous le couvert d’un pseudo-multilatéralisme dont le danger réside dans la distorsion de la relation. Or, dans le monde qui est le nôtre, ce n’est qu’en mettant ensemble nos intelligences que nous pouvons nous mettre d’accord sur les objectifs à réaliser ensemble ».

« Bien que les problématiques essentielles de notre temps demeurent les mêmes, l’appréhension des mêmes problématiques diverge selon qu’on parle du Nord ou du Sud. Sur les grandes problématiques internationales, écouter les voix africaines ne peut pas être une simple variable d’ajustement. L’Afrique n’a pas certes les mêmes mégaphones comme les grandes puissances du monde, mais, la voix de l’Afrique compte et doit compter si l’on veut avoir l’Afrique comme partenaire sur les grands sujets internationaux ».

« Au demeurant, l’Afrique attend un vrai partenariat et nos alliés doivent faire un effort pour accepter l’esprit d’un tel partenariat. Nos alliés ne peuvent pas à chaque fois attendre un soutien inconditionnel du continent. L’Afrique veut coopérer avec ses alliés sur la base de ses intérêts bien compris. Pour ce faire, nos partenaires doivent se défaire des imaginaires qui sont en grande partie forgés aux XIXe et XXe siècles et qui sont en dissonance manifeste avec le XXIe siècle, siècle où les défis nationaux ou régionaux ont des implications globales et les défis mondiaux des déclinaisons et ramifications régionales, nationales, voire, locales. Les répercussions et les perturbations économiques actuelles à l’échelle internationale, résultats directs du retour de la guerre en Europe, constituent une belle illustration », a soutenu le ministre togolais des Affaires étrangères.

Avant de conclure : « Nous sommes tous exposés aux mêmes menaces et défis qui mettent en jeu notre survie, voire notre existence. Mais, j ’ai l’intime conviction que nous pouvons construire un monde prospère, plus stable et plus sûr pour nos populations à travers un multilatéralisme relevé et efficient. A cette fin, seul un choix s’offre à nous, celui de remettre, sous l’égide de Nations-Unies, force et détermination dans notre capacité collective de dialogue, de résilience et de solidarité, susceptible de nous permettre de rendre à nouveau notre planète habitable pour tous et de construire ensemble et durablement le monde que nous avons en partage ».

Et de donner le conseil suivant : « Nous devrions lire plus souvent nos textes fondateurs, apprendre à respecter et considérer les plus petits, les plus faibles et les plus fragiles. OUI, un autre monde est possible ! Nous y sommes tous condamnés car en vérité et, là, je me permets de paraphraser le célèbre savant, Albert Einstein, au sujet de la guerre : « Je ne sais pas comment sera la troisième guerre mondiale, mais, je sais qu’il n’y aura plus beaucoup de monde pour voir la quatrième ».

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