SCIENCES : Naît-on (ou devient-on) homosexuel (le) ?

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Absence de « gène gay », influence du vécu… Une nouvelle étude se penche sur ce qui détermine l’orientation sexuelle. Comme être petit ou grand, ou plus ou moins intelligent, le fait d’aimer les hommes ou les femmes n’est pas défini par un seul gène, mais, par de multiples régions du génome et, comme tout caractère humain complexe, par d’insaisissables facteurs non génétiques. L’étude n’aborde pas le côté mystico-fétichiste. Car, dans certaines sociétés, y compris en Afrique, certains rites magiques imposent des pénétrations annales. Tout comme la volonté de réussir dans la vie sans fournir des efforts nécessaires, peut entraîner la personne à s’adonner à de telles pratiques : promotion canapé (version annale), intégration dans des cercles ou réseaux d’influence où on demande de livrer son derrière (rançon du « succès »), etc…

La génétique seule permet d’expliquer pourquoi vous avez les yeux marron ou bleus. Elle ne permet pas, en revanche, d’expliquer pourquoi vous êtes attirés par les hommes ou les femmes. Une étude d’une ampleur jusqu’alors inédite, réalisée par un groupe de chercheurs américains et européens, vient d’enterrer la théorie selon laquelle il existerait un « gène gay ». 

Publiée, jeudi, 29 août, dans la prestigieuse revue Science (Pdf) et relayée par le Washington Post (lien en anglais, pour abonnés), cette étude affirme que l’orientation sexuelle est un caractère humain complexe, dans lequel sont impliqués de multiples régions du génome et d’insaisissables facteurs non génétiques.

Voici les principaux points de ces travaux. 

Pas de « gène gay », mais la génétique joue un rôle parmi d’autres dans l’orientation sexuelle.

En 1993, le généticien américain, Dean Hamer, et son équipe publiaient dans la revue Science une étude qui allait biaiser, pendant plus de vingt ans, la perception par le grand public du rôle de la génétique dans le choix des partenaires sexuels. A l’époque, la génétique en est à ses balbutiements et, en étudiant un échantillon de 40 familles, il pense alors avoir identifié un gène (Xq28) impliqué dans l’homosexualité masculine : un « gène gay ». Or, l’étude publiée jeudi, réalisée sur un demi-million de profils ADN, réfute ce modèle simpliste. Si elle n’est pas la première à le faire, elle est l’analyse la plus complète jamais réalisée sur le sujet. 
 
« Il n’y a pas de gène gay unique, mais de nombreux petits effets génétiques répartis dans le génome », explique Benjamin Neale, membre du Broad Institute d’Harvard et du MIT, l’une des nombreuses institutions dont sont issus les auteurs. Ainsi, cette nouvelle analyse statistique a permis de découvrir cinq positions précises sur nos chromosomes, appelées locus, qui apparaissent clairement liées à l’orientation sexuelle.

Cependant, chacune de ces positions exerce une influence « très petite », indique le scientifique. Aussi, les chercheurs estiment que « 8 à 25% » des différences d’orientation sexuelle dans la population testée sont dues à des variations génétiques. Mais attention, ce chiffre étant un concept statistique concernant une population, il ne signifie pas que 25% de l’orientation d’une personne dépend de ses gènes. De même, une personne ayant ces variations génétiques ne sera pas forcément homosexuelle. 

Par exemple, biologiquement, il se trouve qu’un marqueur est associé à la perte de cheveux, ce qui suggère un lien avec la régulation des hormones sexuelles. Vraisemblablement, il existe des centaines ou des milliers d’autres marqueurs, que de futures analyses sur de plus grandes banques ADN pourraient un jour découvrir. « C’est un comportement complexe où la génétique joue un rôle, mais probablement de façon minoritaire, » explique, pour sa part, Fah Sathirapongsasuti, scientifique de 23andme.com, un site de tests ADN qui a contribué à l’étude avec des profils génétiques de clients (volontaires).

Une composante environnementale insaisissable.
 
Pour Fah Sathirapongsasuti, outre l’influence d’une myriade de gènes, « l’effet de l’environnement existe [dans le développement de l’orientation sexuelle d’une personne], mais on n’arrive pas à le mesurer exactement ».

Pour comprendre comment le milieu dans lequel une personne évolue peut avoir des conséquences sur la biologie, les chercheurs prennent traditionnellement l’exemple de la taille : l’effet génétique est indiscutable, puisque votre taille est liée à celle de vos parents, mais, d’autres éléments extérieurs, tels que la nutrition pendant l’enfance, auront un impact important. Idem pour le risque cardiaque : des gènes créent des prédispositions, mais, votre style de vie, comme votre alimentation, ont un rôle plus grand encore. 

L’orientation sexuelle ne peut donc pas se « prédire » (et encore moins se modifier).

Pour citer Benjamin Neale : « Il est de facto impossible de prédire l’orientation sexuelle d’une personne d’après son génome. » Or, puisque les facteurs génétiques et environnementaux interagissent entre eux, prédire l’orientation sexuelle d’une personne en fonction de l’une ou l’autre de ces composantes semble donc impossible : « Nous avons établi qu’il existe des situations très diverses, poursuit-il. Et cela fait que notre compréhension [de l’homosexualité] est aujourd’hui plus profonde et nuancée ».
 
De la nuance bienvenue dès lors qu’il s’agit d’étudier un sujet aussi complexe que l’orientation sexuelle. Les auteurs de l’étude prennent d’ailleurs garde à ce que leurs travaux ne soient pas récupérés par les défenseurs de thèses homophobes : « Beaucoup se méfient des recherches visant à observer la sexualité d’un point de vue génétique car ils craignent qu’elles soient utilisées à des fins de discrimination ou que des personnes tentent, avec des technologies d’édition génomique (comme la méthode CRISPR ou le tri génétique des embryons humains) d’influer sur l’orientation sexuelle », préviennent ainsi Steven M. Phelps et Robbee Wedow, cosignataires d’une tribune dans le New York Times (lien en anglais) et membres de l’équipe scientifique derrière cette étude.  

De même, le débat concernant le caractère inné (génétique) ou acquis (environnemental) de l’homosexualité a servi au fil des ans à alimenter les arguments d’une frange conservatrice de la société, laquelle associe l’homosexualité à un « choix », voire à une « déviance psychologique », détaille Slate dans un article daté de 2017 sur l’épineuse question des travaux scientifiques portant sur l’homosexualité. « Poussé à l’extrême, ce postulat induit la mise en place des très inquiétantes ‘thérapies de conversion’ visant à ‘soigner’ les homosexuels », écrit l’article. Si, au printemps 2018, le Parlement européen a adopté un texte non contraignant appelant les Etats à interdire ces « thérapies de conversion », la France travaille sur un texte visant à interdire « la modification forcée de la sexualité ou de l’identité de genre », a rapporté Le Figaro en juillet.  

L’échelle de Kinsey n’est pas pertinente.
 
Un autre résultat de cette nouvelle enquête remet en cause l’idée que l’orientation sexuelle serait un continuum, selon l’échelle dite de Kinsey, du nom du biologiste américain qui l’a définie en 1948 : de 100% homosexuel à 100% hétérosexuel, en passant par bisexuel.

« Supposer que plus on est attiré par quelqu’un du même sexe, moins on est attiré par l’autre sexe est une simplification excessive », affirment les chercheurs, après avoir comparé les marqueurs génétiques influant sur le nombre de partenaires de chaque sexe.

Bien que plus complète, l’étude a ses limites.
 
Si les chercheurs mettent en avant leur méthodologie (détaillée ici sur un site dédié, en anglais) et l’importance de leur échantillon, ils pointent également les limites de leur étude. Ainsi, le gros de l’analyse a été faite sur des hommes et femmes de la banque britannique UK Biobank, en majorité, d’origine européenne, ce qui restreint la portée de ces travaux. Par ailleurs, les chercheurs ont exclu de leur étude les personnes transgenres ou intersexes, se cantonnant à étudier l’ADN des personnes cisgenres. 

Enfin, les personnes testées avaient répondu à la question : « Avez-vous déjà eu une relation sexuelle avec une personne du même sexe ? » Or, cette question aussi présente une limite. « Nous réalisons qu’utiliser les termes ‘jamais’ ou ‘déjà’ constitue une simplification extrême et que dans cette formule nous combinons plusieurs identités et expressions sexuelles », expliquent les chercheurs. Et d’admettre que « nos résultats demeurent imparfaits et ne peuvent d’aucune façon prétendre parler pour l’ensemble des orientations et pratiques sexuelles dans leur complexité ».
 
Avec Franceinfo.

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