La patronne du Fonds monétaire international (FMI), la Française, Christine Lagarde, aime le répéter à souhait : de tous les pays de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), seul le Cameroun peut se targuer de disposer d’une économie tant soit peu diversifiée, capable de faire face au choc pétrolier actuel avec comme conséquence, la baisse drastique des cours. Contrairement aux autres quatre pays producteurs de l’or noir, cette matière n’entre que pour 9% dans le calcul du PIB du Cameroun. On comprend pourquoi le taux de croissance de la CEMAC sera de 1%, en 2016 (2,4% en 2015) alors que celui du Cameroun s’élèvera à 4,8% contre 5,8%, en 2015. Le Cameroun vit un peu dans un monde à part au sein de la CEMAC.
Locomotive de la CEMAC qui, à lui seul, produit plus de 50% de sa richesse, le Cameroun a pris, naturellement, en compte, et ce pour la première fois, son rôle naturel de leadership sous-régional, pour convoquer, d’urgence, un Sommet dont la finalité était de prendre des décisions difficiles. Il devait le faire ou accepter de couler avec les cinq autres pays.
Après avoir été le seul pays de la CEMAC à signer les APE avec l’Union européenne, justement, afin de valoriser la diversité de sa jeune industrie de transformation et des services, le Cameroun ne pouvait pas se permettre de « foutre en l’air » un tel crédit, qui produit, déjà, les effets escomptés : depuis 2015, le Cameroun est devenu, par exemple, premier producteur africain de la banane devant la Côte d’Ivoire.
Il fallait, donc, éviter coûte que vaille la dévaluation du F CFA, mesure de facilité s’il en est, à double tranchant aussi, alors que les demandes des peuples africains vont, plutôt, vers la création d’une monnaie africaine (en bonne et due forme) à la place du F CFA, et vers l’amélioration de la compétitivité des économies, afin de favoriser le binôme qualité/prix des produits africains à l’international.
Les chefs d’Etat de la CEMAC n’ayant pas le courage de leur homologue du Tchad, Idriss Déby Itno, qui, jusqu’à aujourd’hui, est le seul à demander, haut et fort, la création d’une monnaie africaine à la place du F CFA, ils se sont tournés vers le Plan B, qui va les conduire droit au FMI. Très malin, Paul Biya met, ainsi, chacun, devant ses responsabilités en transférant le dossier des institutions sous-régionales (BEAC et CEMAC où on privilégiait la solidarité au détriment des efforts individuels à consentir), directement, au FMI. Il reviendra à ce dernier d’accompagner chaque pays en fonction de sa spécificité et de la profondeur de la détérioration de ses termes de l’échange.
A cet égard, outre le Centrafrique qui est, déjà, sous ajustement (mondial) et attend les subsides de la communauté internationale, et qui ne devrait, donc, pas trop souffrir le martyr plus qu’il ne l’a souffert jusqu’à maintenant, le Tchad, le Gabon et le Congo-Brazzaville, devront, vraiment, se surpasser au moment où leur situation au niveau de la politique intérieure n’est guère reluisante. Tout le monde sait que ce n’est pas simple pour un pouvoir africain d’être malmené par son opposition et sa société civile, avec les caisses vides, et en ne comptant que sur l’armée. A un moment donné, la corde peut casser.
Seuls le Cameroun et la Guinée équatoriale pourront gérer l’étape FMI, sans grande douleur, le Cameroun devant mettre l’accent sur une bonne maîtrise de son endettement, qui a tendance à prendre l’ascenseur, et la Guinée équatoriale se permettant, tout simplement, de différer certains de ses gros investissements. C’est le pays qui s’est le plus modernisé, sur le plan des infrastructures, créant au passage quelques jalousies dans la sous-région.
Voilà pourquoi Christine Lagarde, et le ministre français de l’Economie et des Finances, Michel Sapin, ont été les invités-surprises du Sommet, alors qu’au départ, leurs noms n’étaient, nullement, évoqués. Il fallait éviter de créer l’effet panique du moment où tout le monde (sauf afriqueeducation.com) annonçait la dévaluation du F CFA.
« Les chefs d’Etat ont décidé d’ouvrir et de conclure à brève échéance des négociations bilatérales avec le Fonds monétaire international pour mieux structurer les efforts d’ajustement de leurs Etats et les accompagner vers une sortie de crise », indique le communiqué final de la rencontre. Chaque chef d’Etat prendra ses responsabilités (individuelles) devant l’institution de Bretton Woods.
« Le FMI n’est pas le même que celui des années 90 », a dédramatisé Michel Sapin, avant de poursuivre : « Les efforts d’ajustement demandés aux pays d’Afrique centrale préserveront les programmes sociaux et les investissements qui permettent de soutenir la croissance et diversifier l’économie ». Inch’Allah !
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