Depuis l’éclatement des tensions diplomatiques entre le Mali et l’Ukraine, la question du rôle de la Mauritanie se pose, car Nouakchott s’est, récemment, rapprochée de Kiev, et cela s’est matérialisé par l’ouverture d’une ambassade ukrainienne en mai dernier. Un repêchage face aux revers de l’Ukraine dans sa stratégie de neutralisation de l’influence de la Russie en Afrique.
S’il ne s’est guère fait avec bruit, ce réchauffement des liens bilatéraux entre Kiev et Nouakchott a été une victoire, à la fois symbolique et significative, pour le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, face à son homologue russe, Vladimir Poutine, puisque ce dernier avait, lui-aussi, tenté, en vain, de se rapprocher de Mohamed Ould Ghazouani, en début février 2023.
En mettant le dirigeant mauritanien dans sa poche, Volodymyr Zelensky s’est doté de nouvelles capacités de nuisance vis-à-vis de la Russie, dont l’un des partenaires dans la zone du Sahel, à savoir, le Mali, partage plus de 2.236 km de frontière commune avec la Mauritanie, et abrite actuellement plusieurs supplétifs armés combattant sous la houlette du Kremlin.
Convaincre le président, nouvellement, réélu, et de surcroît, président en exercice de l’Union africaine, Mohamed Ould Ghazouani, n’était qu’une formalité pour le dirigeant ukrainien, étant donné que la Mauritanie frise depuis longtemps le ridicule pour développer l’image d’un vassal acquis à la cause de l’UE, avec pour atout majeur un accès immédiat vers le Sahel, où la plupart des Européens ont été délogés, malgré eux.
Mais, au-delà de cette quête de se muer en un ouï-dire de Bruxelles, Nouakchott a sauté sur l’occasion qui se présentait à elle de se venger de son voisin malien, qu’il a souvent accusé de violer son intégrité territoriale, lorsque celui-ci traque les groupes rebelles, qui choisissent de se replier de l’autre côté de la frontière, après avoir commandité des attaques au Mali.
Bamako n’ayant jamais officiellement répondu aux plaintes de sa voisine, ni même fait cas des exercices militaires conduits par celle-ci près de la frontière en guise d’intimidation, Nouakchott n’a eu besoin que de servir d’intermédiaire entre les rebelles maliens basés chez elle et le partenaire ukrainien, pour que l’embuscade de fin juillet dans le Nord Kidal soit rendue possible.
Les relations entre la Mauritanie et le Mali sont, donc, à un tournant pour les deux anciens membres de l’Alliance anti-djihadiste (G5). Elles avaient, déjà, été éprouvées, en juin 2023, au moment du retrait du Mali du G5, malgré les efforts mauritaniens de l’en dissuader. Poursuivant, désormais, des intérêts opposés, les deux pays sont pressentis pour entrer dans un gel diplomatique en bonne et due forme.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)