Il y a environ un mois, Giorgia Meloni se réjouissait de la baisse observée dans le nombre des arrivées en Italie de migrants subsahariens provenant de Tunisie et de la Libye. En conflit avec la justice européenne concernant son projet d’externalisation migratoire avec l’Albanie, la première ministre italienne doit maintenant composer avec un rapport incriminant du parlement européen, qui accuse ses partenaires migratoires nord-africains d’alimenter le trafic de clandestins noirs.
La nouvelle a eu l’effet d’une bombe dans l’Union européenne (UE) étant donné les financements massifs octroyés par Bruxelles aux deux capitales africaines en vue de la réduction des flux migratoires dont 127 millions d’euros remis à Tunis en fin 2023. Selon les témoignages d’une trentaine de migrants recueillis entre juin 2023 et novembre 2024, les autorités tunisiennes auraient arrêté arbitrairement des vagues de migrants noirs, indépendamment, de leur statut légal (sur notre photo, la première ministre italienne qui a réussi à imposer son point de vue au président tunisien).
Une fois incarcérées, les victimes étaient transportées par groupe de 40 à 150 à la frontière libyenne afin d’y être vendues entre 12 à 90 euros pour les hommes, et à un prix plus élevé pour les femmes. Remis à leurs nouveaux bourreaux, les captifs étaient ensuite utilisés à des fins de rançons auprès de leurs proches dans leur pays d’origine. Face à la gravité des faits rapportés, le chef de la diplomatie tunisienne a tenu à défendre son pays de toute violation des droits humains.
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Son déni s’inscrit dans celui de Frontex, l’agence chargée de surveiller les frontières de l’UE, qui réfute avoir participé à une quelconque traque de migrants noirs. Pourtant, c’est depuis l’annonce de l’expansion de ses opérations en juillet 2023 dans la sous-région que la situation de ces derniers s’est dégradée. A plusieurs reprises, Frontex a été soupçonnée de divulgation malicieuse des coordonnées géographiques des bateaux des migrants aux agents des frontières, bien que connaissant le sort auquel ils comptaient livrer les personnes interceptées.
Jadis démocratique, l’Etat tunisien est tombé bien bas non seulement en devenant un régime autocratique, mais aussi, en se spécialisant dans la réalisation des basses besognes pour les puissances européennes. Si l’objectif final de Giorgia Meloni était de tirer à boulets rouges sur Emmanuel Macron du fait des dérives de sa politique étrangère en Afrique, pour ensuite être mêlée à une affaire de trafic d’êtres humains, elle aurait tout simplement mieux fait de se taire.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)