Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a été hospitalisé dans un état critique, jeudi, 27 juin, le jour où un double attentat suicide revendiqué par l’organisation djihadiste, Etat islamique (EI ou Daesh), a tué un policier à Tunis, faisant ressurgir le spectre de la violence. Avec pour conséquence immédiate, le sabotage de la remontée des réservations touristiques, qui commençait, déjà, à donner de l’espoir au gouvernement tunisien et à ses partenaires extérieurs.
Agé de 92 ans et (démocratiquement) élu en 2014, Béji Caïd Essebsi a été « victime d’un grave malaise et a été transféré à l’hôpital militaire de Tunis », a écrit la présidence sur sa page Facebook. Il faut dire qu’à cet âge-là, ce genre de « coup de barre » n’est pas exclu, bien que le président reste quelqu’un de très solide sur ses appuis.
« La situation du président est critique » mais « stable », a indiqué son conseiller, Firas Guefrech, sur Twitter, démentant des rumeurs faisant état de sa mort.
En soirée, le fils du président, Hafedh Caïd Essebsi, a assuré qu’il y avait « un début d’amélioration » de l’état de son père.
Après les attentats suicide et l’hospitalisation du chef de l’Etat, le président du parlement, Mohamed Ennaceur, 85 ans, a réuni à l’Assemblée les chefs des blocs parlementaires. Chargé de l’intérim en cas de décès du président, il avait, lui-même, été hospitalisé, la semaine dernière, selon les médias tunisiens.
En vertu de la constitution, il revient à la Cour constitutionnelle de constater la vacance du pouvoir et de confier la présidence par intérim, soit, au président du parlement en cas de décès du chef de l’Etat, soit, au premier ministre, Youssef Chahed, en cas d’absence temporaire.
Mais, huit ans après la révolution qui a mené à la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali, la Tunisie n’a, toujours, pas de Cour constitutionnelle. Un facteur qui accentuerait l’incertitude politique en cas d’absence prolongée du chef de l’Etat, alors que des élections présidentielle et législatives sont prévues en octobre et novembre de cette année. Béji Caïd Essebsi avait, déjà, averti qu’il ne serait pas candidat à cette élection présidentielle.
Cela dit, l’hospitalisation du chef de l’Etat arrive à un mauvais moment, celui du retour des attentats terroristes dans la capitale. Menés à l’ouverture de la saison touristique, les attentats à Tunis sont les premiers dans la capitale tunisienne depuis une attaque suicide le 30 octobre 2018 sur l’avenue Bourguiba (26 blessés, en majorité des policiers).
Dans un communiqué reproduit par son agence de propagande Amaq, l’EI, qui a, déjà, revendiqué des attaques sanglantes en Tunisie, a affirmé que les attentats de jeudi avaient été menés par deux de ses « combattants ».
Le premier attentat a eu lieu sur l’avenue Bourguiba en plein coeur de Tunis. Un kamikaze a visé un véhicule de police tuant un policier et blessant trois civils ainsi qu’un policier, selon les autorités.
Des morceaux de chair, probablement, ceux du kamikaze, jonchaient la chaussée autour du véhicule. L’attentat s’est produit non loin de l’ambassade de France.
Des passants se sont évanouis sous le choc et de nombreux commerces et administrations ont baissé leurs rideaux.
Une demi-heure plus tard, un kamikaze s’est fait exploser devant une entrée du complexe de Gorjani, où sont rassemblés des services de la Garde nationale, de la police judiciaire et des services d’enquête antiterroriste, selon le ministère de l’Intérieur. Quatre policiers ont été blessés.
« C’est une opération terroriste lâche » qui « vise à déstabiliser l’économie et la transition démocratique alors que nous sommes au début de la saison touristique et à quelques mois des élections », a déclaré le premier ministre.
Le matin, un groupe extrémiste armé non identifié avait attaqué une antenne de télédiffusion dans le centre de la Tunisie, sans faire de victime, a indiqué le ministère de la Défense, sans qu’un lien ne puisse être établi entre ces attaques.
Selon le porte-parole du pôle antiterroriste, Sofiène Sliti, les deux kamikazes ont utilisé une ceinture explosive. L’un des deux kamikazes a été identifié, a indiqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Sofiène Zaag, à la TV nationale, sans autre précision.
Après le soulèvement en 2011, la Tunisie a été confrontée à un essor de la mouvance djihadiste, responsable de la mort de dizaines de soldats et de policiers, mais aussi, de nombreux civils et touristes étrangers.
En novembre 2015, l’EI avait revendiqué une attaque suicide contre un bus de la garde présidentielle à Tunis, qui avait tué 12 agents.
La même année, 60 personnes dont 59 touristes avaient été tuées dans des attentats contre le musée du Bardo, à Tunis, le 18 mars, puis, contre une plage et un hôtel près de Sousse le 26 juin. Deux attaques revendiquées, également, par l’EI.
Instauré depuis 2015, l’état d’urgence a été, constamment, renouvelé dans le pays, même si, ces dernières années, la situation sécuritaire s’était beaucoup améliorée.