Menée en bateau sur toute la ligne sur le volet migratoire par le déroutant président tunisien, Kaïs Saied, l’UE (Union européenne) s’est, désespérément, lancée à la recherche d’un nouveau pays partenaire phare sur le continent africain, et semble en avoir trouvé un en celui de Paul Kagame : le Rwanda.
En effet, Bruxelles vient d’annoncer la signature de plusieurs accords de coopération (santé, éducation, agriculture, mines) avec Kigali, pour un montant d’environ 900 millions d’euros. Ce chiffre, qui correspond à l’enveloppe promise, le 11 juin dernier, à Tunis, en échange de son engagement à servir de prestataire migratoire pour le compte de ses homologues européens, prouve bien que cette page a été tournée (sur notre photo, les dirigeants européens en juillet 2023 à Tunis pour convaincre le président tunisien de la nécessité d’un partenariat sur l’immigration).
C’est donc une excellente nouvelle pour les migrants originaires d’Afrique subsaharienne qui prévoient de rejoindre l’Europe en transitant par la Tunisie, même si pour cela, ils devront, dans un premier temps, braver le danger que représentent les Tunisiens, qui ont, vraisemblablement, décidé de déclarer persona non grata toute personne en situation irrégulière dans leur pays.
De son côté, le président rwandais, Paul Kagame, a toutes les raisons d’exulter puisqu’il rafle la mise à son homologue maghrébin, celui-ci ayant préféré calmer le jeu auprès des autres chefs d’Etat africains, après avoir ordonné, au mois de février, la traque et l’expulsion de plusieurs de leurs concitoyens résidant illégalement en Tunisie. La crise économique qui touche actuellement l’Afrique est la raison pour laquelle certains dirigeants africains se gardent de formuler ouvertement des reproches à l’attitude de Kaïs Saïed, mais cela se fera certainement au moment opportun.
Notons tout de même que cette décision européenne d’investir massivement au Rwanda constitue, à ce jour, la principale retombée du partenariat migratoire conclu avec l’Angleterre de Rishi Sunak, avec la conviction hypothétique qu’il pourra survivre, cette fois-ci, à un test au niveau des autorités judiciaires britanniques. Plusieurs autres leaders occidentaux dont le chancelier allemand, Olaf Scholz, suivent d’ailleurs avec attention l’évolution de la nouvelle version de ce deal, avec l’espoir de pouvoir rapidement emboîter le pas à leur homologue de Londres, Rishi Sunak. Car, en effet, il n’est pas question pour eux de débourser un peu moins d’un milliard d’euros sur un pays africain sans obtenir une contrepartie équivalente.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)