Le 25 novembre 2024, en visite au Vatican, Denis Sassou-Nguesso a plaidé pour la béatification d’Emile Biayenda, assassiné et enterré vivant lors d’un sacrifice rituel dans la nuit du 22 au 23 mars 1977 par des soldats congolais. Mais, notons que le cardinal fut proclamé, en mai 1980, par le pape, Jean Paul II, vénérable. Et Parolin, le secrétaire d’Etat, l’a rappelé, une fois de plus, en 2018. Pourquoi ces tergiversations du Vatican dont une partie est acquise au dictateur-assassin du premier cardinal congolais ? Sassou-Nguesso (lui-même en personne) serait le commanditaire de ce meurtre si l’on se fie au témoignage de feu Mgr Ernest Kombo qui présida la Conférence nationale souveraine congolaise en 1991 (25 février-10 juin).
Voulant soulager leur conscience, les meurtriers lui auraient révélé le nom du commanditaire. Biayenda a été tué parce qu’il aurait convaincu Massamba Débat et Marien Ngouabi d’abandonner la voie du communisme et du matérialisme, ce à quoi Sassou se serait opposé. Toutes ces informations ont été données par Ernest Kombo au frère Hervé Zebrowski (cf. H. Zebrowski, « Les assassins du cardinal. Terreur sur Brazzaville », Paris, L’Harmattan. 2009). (Sur notre photo, le criminel Sassou-Nguesso se comporte dans le bureau du pape comme en terre conquise. Aucun remords pour avoir ôté la vie à un cardinal).
Le procès de la canonisation de Biayenda a été lancé le 23 mars 1995 par le pape Jean-Paul II. La Congrégation pour les causes des saints a validé, le 29 mai 2015, le travail de la commission historique créée à cet effet. Reste maintenant à proclamer le cardinal Biayenda vénérable, puis, bienheureux. C’est après ces deux étapes qu’il sera déclaré saint. Cette canonisation ne nous choque pas car Biayenda est un martyr.
Ce qui est à la fois choquant et indécent, en revanche, c’est le fait que le commanditaire feigne de soutenir la cause de la béatification de Biayenda sans avoir jamais avoué son crime et sans avoir jamais battu sa coulpe. Sassou-Nguesso aurait mieux fait de se taire. Tout le monde au Congo-Brazzaville peut demander la béatification de Biayenda, pas lui.
Ce qu’on lui demande, c’est d’arrêter de terroriser, d’affamer et d’appauvrir le peuple congolais. Ce qu’on attend de ce dictateur qui bataille pour mettre son fils à sa place, c’est de permettre aux Congolais de choisir un autre président, c’est-à-dire, un homme qui ne travaillera plus pour un clan et une ethnie.
Quant au pape, les Congolais auraient aimé qu’il questionne Sassou-Nguesso sur son rôle dans la mort de Biayenda, tout comme l’autre Congo apprécierait que François cherche à savoir si le roi Baudoin n’était pas impliqué dans l’assassinat de Patrice Lumumba, le 17 janvier 1961. La recherche de la vérité sur la mort de l’ancien premier ministre congolais doit précéder une éventuelle béatification de Baudoin comme l’a proposé le cardinal Fridolin Ambongo.
Que l’église catholique reconnaisse longtemps après le triste rôle qu’elle joua dans l’esclavage et la colonisation n’est pas une mauvaise chose mais cela a-t-il un sens si la même église continue de dérouler le tapis rouge à des criminels comme Sassou et Biya ? Ce dernier n’a jamais fait la lumière sur l’assasinat de Mgr Yves Plumey, du Père Engelbert Mveng, de Mgr Jean-Marie Benoît Bala, entre autres. Malgré cela, il est reçu en grande pompe au Vatican. On lui permet même de recevoir la sainte communion.
Devons-nous comprendre par là que, même pour le Vatican, la vie d’un Africain ne compte pas ?
Jean-Claude Djéréké
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).