Le pape François a accepté, vendredi, 12 octobre, avec réticence, la démission de l’influent cardinal américain, Donald Wuerl, de son poste d’archevêque de Washington. Il est soupçonné par un jury populaire d’avoir étouffé un vaste scandale d’agressions sexuelles.
Soumis à une forte pression et se disant désireux d’aider une église abîmée par les scandales, Mgr Wuerl, 77 ans, un fidèle soutien du pape argentin dans un paysage catholique américain parfois hostile, avait présenté sa demande de démission le 21 septembre.
Le pape François l’a laissé partir en louant dans une lettre personnelle « la noblesse » de sa ligne de défense. Et en le laissant assurer sa propre transition dans l’archidiocèse de Washington jusqu’à la nomination de son successeur.
Des propos ambigus, mais, qui révèlent, aussi, une nouvelle donne : désormais, la haute hiérarchie de l’église jugée, sévèrement, dans l’arène publique ne peut plus avoir de traitement de faveur en interne.
L’archevêque, qui s’est dit « profondément touché » par la marque d’estime du pape, a expliqué vendredi, dans un communiqué, que son remplacement pouvait permettre « aux fidèles, clergé, et religieux de se concentrer sur la guérison et l’avenir ». Il a, aussi, demandé pardon pour « toute erreur de jugement dans le passé ».
Le cardinal, Donald Wuerl, est soupçonné d’avoir été défaillant face aux actes de prêtres pédophiles en Pennsylvanie (Nord-Est), où il fut évêque dans sa ville natale de Pittsburgh de 1988 à 2006.
Une enquête des services du procureur de Pennsylvanie a révélé, en août, des sévices sexuels, particulièrement, sordides perpétrés, des décennies durant, par plus de 300 « prêtres prédateurs » sur, au moins, mille enfants.
Dans le rapport final, rédigé par un jury populaire, le cardinal Wuerl (avec le pape François) est cité, à de nombreuses reprises, comme l’un des responsables ecclésiastiques ayant contribué à étouffer le scandale.
Assailli par de nombreux appels à la démission, y compris au sein du clergé, le cardinal avait assuré que le rapport prouvait qu’il avait « agi avec diligence, dans l’intérêt des victimes et pour éviter de nouveaux abus ».
Ses défenseurs ont fait valoir qu’il avait sanctionné certains prêtres et même résisté à une injonction du Vatican de rétablir, dans ses fonctions, un prédateur.
Mais, le procureur général de Pennsylvanie, Josh Shapiro, l’a accusé de mentir. « Beaucoup de ses déclarations à la suite du rapport du grand jury sont en contradiction directe avec les documents internes de l’église et les archives secrètes. Ses déclarations trompeuses ne font qu’ajouter aux efforts de dissimulation », a-t-il assené.
L’église américaine avait, déjà, été, fortement, secouée par la démission, fin juillet, du cardinal, Theodore McCarrick, 88 ans, ex-archevêque de Washington, accusé d’agressions sexuelles concrètes sur un adolescent remontant aux années 70. Le pape avait accepté sa démission du collège des cardinaux, sanction exceptionnelle pour des prélats nommés à vie.
Toute la question est, désormais, de savoir comment il a pu grimper les échelons sous trois papes. Un ex-ambassadeur du Vatican, Mgr Carlo Maria Vigano, a affirmé que le Saint-Siège avait reçu, fin 2000, la lettre d’un prêtre évoquant les week-ends de Mgr McCarrick avec des séminaristes « qui partageaient son lit ».
D’autres dénonciations avaient suivi, puis, Mgr McCarrick aurait été « sanctionné » par le pape Benoît XVI, sanctions que son successeur François aurait, ensuite, sciemment, ignorées pendant cinq ans, a accusé Mgr Vigano dans un courrier incendiaire, appelant, fin août, à la démission du pape argentin.
Après six semaines, le Vatican est sorti de sa réserve, le week-end dernier, en apportant un tout premier démenti.
Samedi, 6 octobre, François a annoncé une enquête approfondie dans les archives du Vatican sur l’ex-cardinal McCarrick. Et le lendemain, le Vatican a répondu à l’allégation phare de Mgr Vigano en publiant une lettre féroce d’un membre de la Curie, le cardinal Marc Ouellet.
Fustigeant « un montage politique », le prélat canadien a affirmé que l’archevêque McCarrick n’avait, jamais, fait l’objet de « sanctions » faute de preuves, mais seulement, prié de se faire discret « afin de ne pas provoquer d’autres rumeurs ».
Malgré les démissions, l’église américaine n’a pas fini de faire parler d’elle, six nouveaux Etats ayant ouvert des enquêtes sur de possibles abus du clergé.
Avec AFP